Après sa réélection contestée en juillet, le président vénézuélien Nicolas Maduro a lancé une grande offensive contre les réseaux sociaux que le pouvoir a promis de réglementer dans les prochains jours par le biais d’une loi.

« Les principaux multiplicateurs conscients de la haine et du fascisme, et la tentative de diviser les Vénézuéliens et de créer des fanatiques fascistes qui attaqueront la police, l’armée ou les chavistes (partisans du pouvoir) sont TikTok et Instagram », a lancé Nicolas Maduro dans une de ses diatribes, accusant aussi WhatsApp « utilisé pour menacer le Venezuela. »

Dans un pays où la liberté de la presse est déjà restreinte, Nicolas Maduro a fait suspendre X pendant dix jours. La période de suspension a pris fin dimanche, mais la plateforme reste encore inaccessible sans VPN. Pourtant omniprésent sur les réseaux, le chef de l’État vénézuélien cherche à contenir la contestation. Après l’adoption d’une loi sur les ONG la semaine dernière, très critiquée par les défenseurs des droits humains, le pouvoir a promis une loi sur les réseaux sociaux dans les prochains jours.

C’est « une escalade dans le système de censure », analyse Giulio Cellini, directeur du cabinet de consultants politiques Logconsultancy. « Le gouvernement identifie les réseaux sociaux comme le mécanisme par lequel les gens peuvent obtenir des informations ».

Pour Benigno Alarcon, politologue de l’Université catholique Andres Bello, « le gouvernement tente de fermer tous les espaces physiques et virtuels où il pourrait y avoir des manifestations. Cela fait partie de cette vague répressive » lancée par le pouvoir après la présidentielle du 28 juillet.

L’annonce de la réélection de Nicolas Maduro pour un troisième mandat a provoqué des manifestations spontanées, brutalement réprimées, qui ont fait 25 morts, 192 blessés et 2 400 arrestations, selon les autorités. Nicolas Maduro a été proclamé vainqueur avec 52 % des voix par le Conseil national électoral (CNE) qui n’a pas fourni les procès-verbaux des bureaux de vote, se disant victime d’un piratage informatique.

Selon l’opposition, qui a rendu publics les documents électoraux obtenus grâce à ses scrutateurs, son candidat Edmundo Gonzalez Urrutia a remporté le scrutin avec plus de 60 % des voix.

« Le Venezuela peut vivre sans X »

L’offensive contre les réseaux sociaux survient dans un contexte qui a vu plus de 400 journaux, stations de radio et chaînes de télévision fermés ces vingt dernières années, selon l’ONG Espacio Público (Espace public). Une demi-douzaine de journalistes ont en outre été arrêtés.

Les autorités cherchent à fermer « les soupapes de secours par lesquelles les gens tentent d’obtenir des informations », dans un environnement où « l’écosystème des médias s’est rétréci », souligne Carlos Correa, directeur de l’ONG.

Dans une interview accordée au site web pro-gouvernemental La Iguana TV, le ministre de la Communication Freddy Nanez a affirmé que le gouvernement avait demandé à X « s’il acceptait les lois vénézuéliennes » et de lui remettre des documents légaux. Le pouvoir assure que X n’a pas répondu. « Le Venezuela peut vivre sans X », a précisé le ministre.

Selon les chiffres du ministère, Facebook est le réseau social le plus populaire au Venezuela avec 22 millions de profils, suivi de Tik Tok avec 8 millions de comptes puis d’Instagram et ses 7,9 millions d’utilisateurs.

Le réseau X, lui, ne compte que 2,7 millions d’utilisateurs, mais cette plateforme est largement utilisée par l’opposition pour communiquer. « Son blocage réduit sa portée et, dans le cas du Venezuela, il s’agit d’un réseau très politique, très axé sur les questions d’intérêt public », explique Carlos Correa.

« Censure des voix critiques »

M. Correa souligne que la réglementation des réseaux sociaux fait l’objet de débats dans « de nombreux pays », se concentrant sur leurs algorithmes, la circulation de fausses informations et le traitement des données privées. Au Venezuela, le débat se concentre essentiellement « sur la censure des voix critiques ».

Le pays occupe la 156e place sur 180 dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières, devant le Nicaragua (163e) et Cuba (168e) en Amérique latine.

Outre la régulation des réseaux sociaux, une loi contre le fascisme, un terme que Nicolas Maduro et ses partisans utilisent souvent pour désigner l’opposition, est débattue au Parlement, où le pouvoir dispose de 256 des 277 sièges (l’opposition ayant boycotté les législatives de 2020).

« Il s’agit de propositions législatives qui visent essentiellement à criminaliser encore davantage la possibilité de s’exprimer », assure M. Correa. En parallèle, Nicolas Maduro multiplie les apparitions dans le vaste réseau des médias publics, mis au service de la « révolution bolivarienne ».

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