Trois scenarii se profilent pour sortir de la crise qui voit le rachat de l’hebdo Marianne par Pierre-Édouard Stérin suspendu, à la suite de ses liens possibles avec le RN qui ont suscité un rejet massif de la rédaction.
L’affaire semblait pliée. Le milliardaire Pierre-Édouard Stérin a les reins suffisamment solides pour racheter Marianne. Et CMI France, son actuel propriétaire, souhaite s’en défaire. Les raisons ? Sa ligne éditoriale devenue radicalement souverainiste et donc opposée aux convictions europhiles de Daniel Kretinsky, selon les explications données par Denis Olivennes, le président du Conseil de surveillance de CMI France, devant les salariés. On peut aussi imaginer que les 3 millions d’euros de déficit en 2023, pour 12 millions d’euros de chiffre d’affaires, ne sont pas étrangers à cette décision du milliardaire tchèque, qui a déjà investi 20 millions d’euros dans le titre depuis son rachat 2018.
La rédaction s’était faite à l’idée de ce nouvel actionnaire, jusqu’à ce qu’une enquête du Monde publiée le 26 juin, dévoilant des accointances politiques avec le RN, ne mette le feu aux poudres. Le quotidien assure que plusieurs candidats aux élections législatives LR favorables à l’alliance avec le RN sont issus de la « galaxie Stérin ». Ils seraient liés au Fonds du bien commun, l’entreprise philanthropique du milliardaire, tandis que François Durvye, qui dirige son fonds d’investissement Otium, a été vu avec Marine Le Pen et Jordan Bardella le 9 juin, soir des élections européennes. « Ce qui apparaissait comme un engagement idéologique individuel se révèle être une entreprise partisane », écrit la Société des rédacteurs.
« Les engagements politiques pris à titre individuel par des prestataires ou des salariés du Fonds du bien commun, s’il y en a, le sont à titre personnel, et aucunement au nom du Fonds du bien commun », a répliqué dans un communiqué cette structure, se définissant comme « apolitique ».
Mais le magazine Challenges avait aussi assuré que Pierre-Édouard Stérin et François Durvye avaient racheté en novembre pour 2,5 millions d’euros la propriété familiale des Le Pen à Rueil-Malmaison, via une société civile immobilière. Après grève et tractations, CMI France et Pierre-Édouard Stérin « ont décidé d’un commun accord de suspendre leurs discussions », a annoncé le propriétaire du titre. Un gel est décrété jusqu’au 21 juillet.
Solidifier le projet
Comment sortir de l’impasse ? Trois scenarii se profilent. Soit le milliardaire parvient à rassurer les équipes sur ses véritables liens avec le RN. « Il a promis une clarification aux salariés », assure un dirigeant du journal. Soit l’entrepreneur Jean-Martial Lefranc, 62 ans, revient avec un projet plus solide financièrement. L’homme, qui a fait carrière dans les jeux vidéo et avait repris le groupe de presse jeunesse Fleurus en 2009, a proposé 5 millions d’euros, allié à d’autres investisseurs, parmi lesquels Henri de Bodinat, Joan Beaufort et Philippe Corrot (cofondateur de l’entreprise d’e-commerce Mirakl). « À lui d’agréger d’autres personnes pour solidifier son projet », assure-t-on à la direction de CMI France.
Car si dans les 18 mois qui suivent une vente, un dépôt de bilan advient, c’est le vendeur qui demeure responsable. Du côté de la direction de Marianne, la solution paraîtrait idéale. Car hormis lui, seuls les groupes Bolloré et Valmonde (Valeurs actuelles) ont marqué leur intérêt. Troisième option, le groupe CMI France ne parvient pas à vendre le titre et le garde en infléchissant sa ligne éditoriale et en repensant son business model.