Damien Bol, chercheur au Cevipof, revient sur les grandes actualités de la semaine.

Le Rassemblement national qui a recueilli 31 % des voix aux élections européennes avec son candidat Jordan Bardella.

En science politique, on se rend compte que les candidats n’ont que peu d’impact sur le vote dans un scrutin comme celui des Européennes. Bien sûr, il y a une tête de liste et les gens ont leur opinion sur celle-ci, mais ils votent pour un parti plutôt que pour un candidat. Je ne pense pas qu’il y ait eu un effet Bardella en tant que tel. Pour ce qui concerne les campagnes sur les réseaux sociaux comme TikTok, on n’a pas de preuve empirique sur le fait que ça ait un impact sur le vote. Il y a des facteurs plus profonds pour expliquer la progression du RN depuis vingt ans, notamment les changements socio-économiques du fait de l’accélération de la globalisation. Le RN se présente comme un parti outsider et promet justement à ses électeurs d’enrayer la globalisation, ce qui séduit ceux qui en souffrent le plus. De plus, là où des électeurs du RN auraient été réticents à voter pour le FN, à l’époque, parce qu’ils pensaient que leur chance de gagner était très faible, ce verrou a complètement sauté avec les derniers résultats du parti.

L’image clivante de Jean-Luc Mélenchon qui pèse sur l’union de la gauche réunie sous la bannière « Nouveau Front populaire » [NFP].

Les candidats ne sont pas aussi importants qu’on le croit dans la décision du vote mais ça ne veut pas dire que LFI, plus que Mélenchon, ne crée pas de clivage au sein du NFP. L’électeur modéré de gauche qui a voté Glucksmann aux dernières élections, va se demander est-ce que je vote pour le NFP ou pour Renaissance ? Ça va être son dilemme. Même s’ils ont des convictions plus à gauche et un rejet pour Macron, et qu’ils n’ont pas tellement envie de voter pour lui, certains trouvent que LFI est trop radical.

La nouvelle émission de Cyril Hanouna sur Europe 1, média de Vincent Bolloré, et l’Arcom qui rappelle les obligations de pluralisme à la station.

On se rend compte que le RN n’est plus un parti marginal sur l’échiquier politique. C’est devenu un gros parti et ça change la norme dans la société et donc dans la sphère médiatique. Avant, il y avait un cordon sanitaire autour du Front national : les télévisions et radios hésitaient à leur tendre le micro (en dehors des obligations de temps de parole lors des campagnes électorales) mais ça a complètement changé ces dernières années avec les derniers suffrages. Certains médias surfent sur la vague d’audience du RN en utilisant l’argument démocratique. En réalité, il y a une logique de rentabilité financière et sûrement aussi une idéologie de certains programmateurs et dirigeants de médias. Cela avec un effet boule de neige : plus de gens sont au fait de ce que propose le RN, plus le parti augmente son score aux élections. Mais l’influence des médias ne fait pas l’élection en général, il y a surtout des facteurs structurels qu’il ne faut pas nier.

Abstentionnisme, swing circonscriptions… Les inconnues des Législatives de 2024.

La particularité de ce scrutin par rapport aux Européennes est qu’il y a des attachements locaux aux candidats. On sait où vont aller les votes dans certaines circonscriptions mais, comme aux États-Unis où il y a des swing states, il y a des circonscriptions où l’on ne sait pas où vont pencher les votes. C’est encore plus compliqué de savoir dans un mode de scrutin à deux tours. Pour l’abstention, là aussi il y a un point d’interrogation même si on se doute que le taux de participation sera plus élevé qu’aux Européennes ou qu’aux Législatives de 2022 car quelque chose va se passer, un parti d’extrême droite pourrait obtenir la majorité.

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