Sébastien Chenu, vice-président du Rassemblement National, réaffirme après la victoire de son parti aux Elections européennes qu'il souhaite aboutir à une privatisation des chaînes et des radios du service public.

Le vice-président du Rassemblement national, Sébastien Chenu, a réitéré lundi 10 juin sur BFMTV et RMC, au lendemain de l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale, que son parti, s'il accédait au pouvoir, lancerait un appel d'offres pour privatiser l'audiovisuel public. "La privatisation du service public de l'audiovisuel, c'est 3 milliards d'euros. Cela ne se fait pas en quinze jours mais dans le cadre d'un mandat", a-t-il déclaré en expliquant que cette privatisation, comme la "taxe sur les surprofits" que le RN veut mettre en place, vise à donner une "marge de manoeuvre" budgétaire.

Cette déclaration intervient alors que le projet de fusion de l'audiovisuel public, porté par Rachida Dati et qui devait être examiné en séance publique à l'Assemblée nationale le 24 juin, est invalidé par la dissolution décidée par le président de la République, dimanche 9 juin. Le texte, parti d'une proposition de loi, devra refaire tout le parcours législatif prévu par la constitution et être voté par la nouvelle chambre, issue des élections législatives des 30 juin et 7 juillet prochains, pour être adopté. En cas de majorité réunie par le RN ou par la gauche, il serait bien sûr retiré.

La redevance pour justification

Dans son programme de candidate à la Présidentielle en 2022, Marine Le Pen avait justifié cette volonté de privatisation par la redevance, qui coûtait 138 euros par an aux Français jusqu'à sa suppression en janvier 2022, et par l'économie de 2,8 milliards d'euros à réaliser sur le budget de l'audiovisuel public.

A noter toutefois que seuls Radio France et France Télévisions étaient alors concernés. L'audiovisuel d'Outre-mer et « la voix de la France dans le monde », c'est-à-dire France Médias Monde - qui diffuse RFI et France 24 - ainsi que la chaîne franco-allemande Arte ne seraient pas concernés. De son côté, l'Institut national de l'audiovisuel serait transféré au ministère de la Culture pour intégrer les archives nationales.

Conforter le secteur audiovisuel privé

Le 17 septembre 2021, sur France Info, Sébastien Chenu avait lui-même justifié une privatisation avec les mêmes arguments :  « C'est pas le plaisir de privatiser l'audiovisuel public, c'est faire en sorte qu'il n'y ait plus de paiement de la redevance ». Il avait aussi estimé qu'il fallait garantir dans les cahier des charges « la voix des régions »  et que l'accès à la culture pouvait se faire « largement ailleurs que sur le service public ».

Un tel programme inquiète fortement les syndicats et les sociétés de journalistes qui y voient une volonté de mettre au pas l'information sur le service public. Les sociétés de production et d'auteurs craignent aussi un assèchement d'une manne de plus de 500 milllions d'euros, dont plus de 440 millions dans la création audiovisuelle.

Selon Marine Le Pen, il s'agit de conforter un « secteur audiovisuel privé qui subit la concurrence de plateformes aux moyens considérables », comme elle l'a fait savoir pendant sa campagne. Mais les professionnels de la publicité s'entendent pour dire que l'ouverture totale de la publicité sur toutes les chaînes et toutes les radios du service public aurait pour conséquence de faire chuter les prix des écrans publicitaires, certains parlant même d'une d'« onde de choc négative ».

Parmi les repreneurs possibles en cas de privatisation, et qui ont manifesté leur intérêt pour la télévision à l'occasion de la procédure de renouvellement des autorisations des chaînes de la TNT, citons Rodolphe Saadé (CMA CGM), Daniel Kretinsky (CMI) et... Vincent Bolloré, dont la position encore limitée dans la télé gratuite (7% de parts d'audience avec C8, CNews et CStar) n'empêche pas, pour le groupe Canal+, une nouvelle consolidation.