Alors que l’Assemblée nationale doit prochainement débattre de la réforme sur la fusion de l’audiovisuel public, les personnels de France Télévisions et Radio France ont décidé de se mettre en grève les 23 et 24 mai.
Tout un secteur sur le pied de guerre : de France Télévisions à Radio France, les personnels sont en grève ce jeudi 23 mai et vendredi 24 mai contre le projet de fusion éclair de l’audiovisuel public défendu par Rachida Dati. L’Assemblée nationale doit théoriquement débattre de cette réforme au même moment en première lecture, avec 280 amendements au menu. Mais l’examen risque d’être reporté au 24 juin en raison du retard pris sur un autre texte, le projet de loi agricole.
Des réseaux régionaux de France 3 ou France Bleu aux sièges parisiens, la mobilisation s’annonce massive contre ce qui est perçu comme un « passage en force ». Pour assurer la retransmission du débat jeudi soir sur France 2 entre le Premier ministre Gabriel Attal et le président du RN Jordan Bardella, la direction a ainsi prévu de recourir à des prestataires externes, d’après les syndicats.
Le temps est compté : voulant « rassembler les forces », la ministre de la Culture prévoit une phase transitoire avec une holding commune pour l’audiovisuel public au 1er janvier 2025, puis une fusion un an après. Quelque 16 000 salariés sont concernés. Outre France Télévisions et Radio France, le mastodonte de l’audiovisuel rassemblerait également l’INA (Institut national de l’audiovisuel) et France Médias Monde (RFI, France 24). L’intégration de ce dernier groupe fait cependant débat jusque dans le camp présidentiel.
Des préavis de grève ont été déposés dans ces quatre sociétés publiques, où l’on craint pour les moyens et les emplois. Un rassemblement est prévu aux abords du ministère de la Culture ce jeudi 23 mai à 13 h 30. « C’est notre survie qui se joue », ont affirmé les syndicats de Radio France lors d’une assemblée générale mercredi 22 mai, en appelant à envoyer « un message radical » par la grève. Ils préparent une autre mobilisation pour le 28 mai, pour le cas où le premier vote solennel de la réforme par les députés serait maintenu à cette date.
« Inefficace et dangereux »
Les inquiétudes sont particulièrement vives à la Maison Ronde à l’idée que la radio puisse être phagocytée par la télé. Dans une tribune au Monde publiée mercredi 22 mai, plus de 1 100 salariés de Radio France, dont les présentateurs Léa Salamé, Nicolas Demorand, Guillaume Erner et Nagui, ont dit leur rejet d’un projet « démagogique, inefficace et dangereux ». « Pourquoi engager (le secteur) dans une fusion qui s’annonce longue, complexe, anxiogène pour les salariés, et sans réel objectif éditorial ? », demandent aussi les syndicats de France Télévisions.
Aux personnels, Rachida Dati a assuré dimanche 19 mai : « Je veux vous garantir non seulement une pérennité mais (aussi) votre force » dans un univers de « concurrence exacerbée », entre plateformes et réseaux sociaux. « Le moment politique est venu », selon la ministre, après une tentative de rapprochement par son prédécesseur Franck Riester stoppée par le Covid-19. « Évidemment, on ne va uniformiser ni les métiers, ni les activités », a-t-elle aussi martelé au Sénat lors des questions au gouvernement. La société géante, dénommée « France Médias », aurait un budget de quatre milliards d’euros.
Pour accélérer, la ministre issue de LR s’est appuyée sur une proposition de loi du sénateur Laurent Lafon (Union centriste) programmant une holding, déjà adoptée en juin 2023 par la chambre haute. « Nous ne sommes pas opposés à la fusion » mais « on peut s’interroger sur le calendrier », a souligné Laurent Lafon sur Public Sénat mercredi 22 mai. La navette parlementaire ne fait que démarrer.
Le sort de France Médias Monde ne paraît pas tranché. Le ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné a affirmé que le gouvernement était finalement pour son exclusion de l’entreprise unique. Mais les discussions pourraient être serrées avec la droite, qui est à l’inverse attachée à son inclusion. Les élus RN - favorables à une privatisation pure et simple de l’audiovisuel public - soutiennent le projet de fusion.
Privatiser ? Le patron de LR Éric Ciotti n’a « pas de tabou » non plus. De son côté, la gauche torpille holding comme fusion. LFI voit dans ce projet « l’aboutissement du dénigrement et de l’affaiblissement » du service public opéré par Emmanuel Macron. « C’est pas le retour de l’ORTF qui va nous permettre de concurrencer Netflix », renchérissent les écologistes.