Des journalistes de la Rai, la radio-télévision publique italienne, ont entamé une grève le 6 mai pour protester contre des dérives liées à l'extrême-droite gouvernementale de Giorgia Meloni.
Les journalistes de la radio-télévision publique italienne Rai ont entamé lundi 6 mai une grève de 24 heures pour défendre leur « liberté » face aux « tentatives » de faire de l'antenne « un mégaphone du gouvernement » de la dirigeante d'extrême-droite Giorgia Meloni.
Le syndicat Usigrai, qui représente 1 600 journalistes du groupe sur 2 000, avait déposé un préavis de grève après avoir accusé la direction de la Rai d'avoir censuré le discours d'un éminent écrivain critiquant Giorgia Meloni à l'approche du Jour de la Libération, le 25 avril. La Rai avait annulé au dernier moment un discours sur le fascisme de l'écrivain Antonio Scurati, qui y accusait le parti d'extrême-droite de Giorgia Meloni, Fratelli d'Italia, d'« essayer de réécrire l'histoire » en mettant les pires excès du régime fasciste sur le compte de sa collaboration avec l'Allemagne d'Adolf Hitler.
« La Rai n'est plus un service public, mais est en train d'être transformée en mégaphone pour le gouvernement », avait alors dénoncé la cheffe du Parti démocrate (PD, centre gauche), Elly Schlein. Une image reprise dans un communiqué de l'Usigrai, dimanche 5 mai, selon qui ses journalistes préfèrent « perdre un ou plusieurs jours de paye que [leur] liberté ». « Nous faisons grève pour défendre l'autonomie et l'indépendance du service public de la radio-télévision face au contrôle permanent des espaces d'information de la part des politiques », a encore expliqué le syndicat dans son communiqué.
Ouvrir les JT avec des informations positives sur Giorgia Meloni
Financée en partie par une redevance et avec des dirigeants nommés depuis longtemps par des responsables politiques, l'indépendance de la Rai, qui représente 39% de part d'audience en Italie, a toujours été un sujet de débat. Mais avec l'arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni, les inquiétudes ont redoublé. « Je travaille pour la Rai depuis 20 ans mais je n'ai jamais ressenti autant de pression ni vu autant de censure », a confié lundi 6 mai Enrica Agostini, une journaliste TV de la Rai News, devant l'Association de la presse étrangère de Rome.
Elle décrit les pressions hiérarchiques pour ouvrir les journaux avec des informations positives sur Giorgia Meloni, alors que des sujets embarrassants pour le gouvernement sont « quotidiennement » ignorés ou traités en retard. Elle cite notamment la polémique autour du ministre de l'agriculture - et beau-frère - de Giorgia Meloni, Francesco Lollobrigidia, qui avait fait arrêter un train à grande vitesse pour pouvoir descendre à un arrêt non prévu, en novembre. Enrica Agostini explique que l'information a été traitée plusieurs heures après sa prise de connaissance par la Rai et après une note du comité éditorial.
Lundi 6 mai, certains JT ont été maintenus grâce à des journalistes proches d'un autre syndicat, récemment constitué et ancré à droite, l'Unrai, qui s'oppose à ce qu'il qualifie de « mobilisation idéologique ». L'Usigrai a reçu le soutien d'autres syndicats de presse. Le président de la Fédération nationale de la presse italienne (Fnsi), qui les regroupe, Vittorio Di Trapani, a dénoncé un « risque (...) d'une dérive à la hongroise qui réduirait la liberté de la presse et la liberté d'expression ».
En réponse, la direction de la Rai affirme qu'« aucune censure ou bâillon n'a été mis sur l'information », accusant le syndicat de « promouvoir des fake news ». « La grève du syndicat Usigrai, à un mois des élections européennes, en plus d'appauvrir l'offre d'information, expose le service public à des instrumentalisations politiques », ajoute la direction dans un communiqué vidéo.