Le newsmagazine de CMI France sort le 21 mars une nouvelle formule qui assume de réduire la pagination du titre pour baisser son prix. Rencontre avec sa directrice de la rédaction, Natacha Polony.
Un journal plus grand, concentré sur l’essentiel, avec 52 pages au lieu de 88, un prix en baisse à 3,50 euros (au lieu de 4,40) avec pour nouvelle signature la réaffirmation d’une indépendance (« La vérité n’a pas de maître). Et une optique « web first » dans l’idée de concentrer les 55 cartes de presse de la rédaction – dont cinq journalistes de la cellule investigation – sur des enquêtes au long cours et des séries sur le numérique. Voilà, en quelques mots, le projet du nouveau Marianne qui sort, le 21 mars, une nouvelle formule reprenant à son compte la volonté de « radicaliser sa différence », chère à son fondateur Jean-François Kahn.
Comme les autres newsmagazines, le titre est en difficulté : il a perdu 1,5 million d’euros sur 13 à 14 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023. Il est vrai qu’il ne peut compter que sur 5 à 6 % de publicité dans ses revenus, malgré une diffusion payée en France de 128 898 exemplaires (-1,3 %). D’où l’importance pour lui de se relancer en faisant le pari de la vente en kiosques malgré l’attrition des points de vente. Il faut dire qu’il trouve ses lecteurs à 80 % en régions où le réseau de diffuseurs se porte mieux. Objectif à demi-avoué : passer devant Le Point en ventes au numéro et hisser le nombre de ses abonnés numériques de 12 000 à 20 000 d’ici à « un an à un an et demi ». Les économies de papier ne compensent pas la baisse de la marge liée au nouveau prix et CMI s’est engagé à compenser les pertes en attendant le gain espéré d’acheteurs (l’abonnement papier restant à 125 euros pour les 55 000 abonnés).
« Capter l’attention »
Sur le fond, Natacha Polony, sa directrice de la rédaction, entend répondre à « la fatigue informationnelle de gens ayant l’impression d’être assaillis par un flot d’informations ». D’où l’idée de « capter l’attention » avec un magazine resserré dans un univers de concurrence qui inclut Netflix ou Spotify. Mais qu’est-ce que « l’essentiel » ? « Ce qui remet en cause la démocratie et ce qui change la vie des gens », répond-elle. D’où des sujets sur la géopolitique, dans le respect du droit international et loin du « messianisme des néoconservateurs », la politique de logement, les déserts médicaux ou l’éducation « mère des batailles ».
Marianne reste plus que jamais républicain, attaché à défendre le bien commun contre les intérêts privés qui peuvent être aussi bien des religions « qui veulent empiéter sur l’espace public » que des lobbies. Natacha Polony n’hésite d’ailleurs pas à pointer le rôle des « oligarques ».
Mais son actionnaire, Daniel Kretinsky, n’en est-il pas un ? Il a sauvé le journal du dépôt de bilan et permis l’investissement sur internet, rappelle-t-elle. Avant d’ajouter : « Il accepte d’avoir un journal qui ne va pas forcément dans le sens de ses intérêts. Il n’y a pas beaucoup d’actionnaires qui choisissent de nommer un directeur de rédaction qui est idéologiquement aux antipodes de ce qu’il peut être. Il estime que l’Union européenne est un outil formidable quand je pense que l’idée européenne est géniale mais que l’UE telle qu’elle a été constituée est en train de détruire l’idéal européen. Il trouve que le libre-échange a enrichi les classes moyennes et populaires et je pense exactement le contraire. Mais on se rejoint sur la question du monopole des Gafam ».