La créatrice du podcast Nouvel Œil, Victoria Guillomon, s’est lancée dans un périple de six mois sans avion pour réaliser un documentaire sur l’accès à l’eau en Inde. À 25 ans, elle incarne une génération qui cherche un autre rapport au monde.
Avec sa silhouette menue et ses tresses, on a du mal à imaginer que Victoria Guillomon puisse soulever des montagnes, mais c’est pourtant ce qu’elle fait depuis qu’elle s’est lancée dans un voyage vers l’Inde sans avion il y a quatre mois. Avec Johan Reboul, alias Le Jeune Engagé (108 000 abonnés sur Instagram), la jeune femme de 25 ans tente de prouver que l’on peut traverser la moitié de la planète à moindre coût carbone. En décembre dernier, les deux voyageurs ont été les seuls Européens à rejoindre la COP 28 à Dubaï sans avion, une singularité qui leur a valu les honneurs de l’AFP.
« On était en Arabie Saoudite, on s’est dit que ça valait le coup de faire un crochet pour porter notre message de sobriété, relate-t-elle. Je suis restée sur ma faim car les discussions allaient dans tous les sens mais c’était quand même intéressant de voir comment se passent ces négociations. » Une fois atteints les paysages enchanteurs d’Oman, grosse déconvenue : la traversée de la mer d’Arabie en bateau s’est avérée impossible. C’est donc en avion que le duo a rallié l’Inde, le but de son voyage, mais Victoria Guillomon en a tiré une leçon sur le lâcher prise, partagée avec sincérité à ses 22 700 followers sur Instagram.
Avant cette aventure, la jeune fille était déjà attirée par les chemins de traverse. Élevée à la campagne par des parents agriculteurs au sud de Bordeaux, elle déchante en école de commerce, avec la sensation qu’on veut la mettre dans une case. « Nos modes de vie nous poussent vers la recherche d’un bonheur matérialiste qu’on n’atteint jamais, une quête du toujours plus qui détruit la planète », confiait-elle lors de son attente forcée à Oman, hébergée dans une famille.
À 18 ans, un stage en Inde lui ouvre les yeux sur une autre façon d’habiter le monde. « J’ai été accueillie à bras ouverts avec une humanité, une solidarité qui ont tout remis en perspective : qu’est-ce que la réussite, qu’est-ce qui nous rend vraiment heureux ? » À la différence des étudiants bifurqueurs qui changent de voie, elle poursuit ses études tout en créant le podcast Nouvel Œil, qui donne la parole à des personnalités qui l’inspirent. Ont suivi un livre, Ce qu’on n’apprend pas à l’école (Kiwi Éditions), et des conférences TEDx.
Désormais arrivée en Inde, elle prépare un documentaire sur la préservation de l’eau et s’apprête à publier un second livre chez Fayard en forme de lettres à sa grand-mère, Tu penses quoi de la vie, mamie ?. Avant de penser au retour, toujours sans avion. Loin de l’éco-anxiété qui taraude beaucoup de jeunes gens, la jeune fille « inarrêtable », selon son entourage, envisage l’avenir avec confiance : « J’ai fait le deuil du monde tel qu’on le connait et je suis excitée du monde de demain, un monde plus sain, plus lent, où l’on prend le temps de la rencontre. Je veux expliquer que l’écologie, ce n’est pas seulement réduire son empreinte carbone, c’est aussi un rapport au monde et aux gens, une écologie intérieure. »