«20% pour tous», sinon ce sera un écran noir : les techniciens de la production audiovisuelle, rejoints par des réalisateurs, ont à nouveau réclamé mardi 19 décembre un «rattrapage» des salaires, sous peine de bloquer en janvier de nouveaux tournages de séries ou d'émissions télé.
Pancartes et banderoles ont été ressorties pour un rassemblement devant le ministère de la Culture, après plus d'un mois de mobilisation déjà, ponctuée par des journées de grève. « Exploité spécial », « L'amour est dans la pré...carité », « C plus possible » ou encore « Grands reportages, petits salaires » : les programmes de France 2, M6, France 5 et TF1 en prennent pour leur grade.
Monteurs, preneurs de son, habilleurs, aux lumières ou à la caméra, « les techniciens sont en bout de circuit » de ces productions et ils deviennent facilement « la variable d'ajustement », dénonce au micro Laurent Blois, délégué général du Spiac-CGT, devant 300 à 400 personnes.
Il n'y a pas eu de revalorisation des salaires minima depuis 2007, selon les organisations syndicales, qui évoquent un soulèvement « historique ». Cinq réunions se sont tenues en trois semaines avec les organisations de producteurs (USPA, SPI, Spect, Satev) mais « le dialogue social est aujourd'hui dans une impasse », constatent ces dernières.
Au total, 10 à 15 000 techniciens sont concernés. « Cela fait vingt ans que je travaille: mon pouvoir d'achat stagne voire régresse, et on nous demande toujours plus en moins de temps », rapporte Charline (qui n'a pas souhaité donner son nom de famille), payée à la journée comme ses collègues, derrière son panneau « monteuse en colère ».
Et de relever : « Sous prétexte qu'on fait un métier passion, on devient corvéable à merci ». D'où ce rassemblement devant le ministère, où une délégation a été reçue, pour alerter sur les conditions de travail, après des manifestations en novembre devant une des organisations de producteurs puis devant Mediawan, géant français de la production audiovisuelle qui vend des programmes aux chaînes et plateformes.
Pouvoir d'achat
Trois vingtenaires employées par une filiale de Banijay France, autre mastodonte du secteur, en sont à neuf journées de grève sur le tournage de la série « Trash », devant être diffusée dans les prochains mois sur Prime Video, plateforme du géant du commerce en ligne Amazon. « Des journées ont été décalées à janvier, le scénario a dû être réécrit », indique l'une, déplorant une pression d'Amazon, qui menacerait d'arrêter le projet. « Les générations se croisent sur les tournages et on s'aperçoit qu'on n'a pas le même pouvoir d'achat que les anciens au même âge », dit sa voisine.
L'arrivée des plateformes de streaming a bouleversé l'économie du secteur, dans un contexte où le marché publicitaire stagne. « On produit plus d'heures de fiction qu'il y a quelques années, essentiellement grâce aux feuilletons, mais avec moins de moyens par œuvre », expose Iris Bucher, présidente de l'Union syndicale de la production audiovisuelle (USPA), dans le magazine spécialisé Le Film français. Les revendications salariales ne doivent pas se solder « par une réduction drastique du volume » des productions ou « des délocalisations », avertit-elle, en souhaitant « une issue à la crise » rapide.
« Une grève longue ne servirait les intérêts de personne », campe la productrice, alors que le long mouvement cette année des scénaristes et acteurs aux États-Unis, qui a paralysé le secteur, est dans toutes les têtes. Les organisations de producteurs, qui sont dépendants des commandes des diffuseurs, ont mis sur la table des augmentations des minima comprises entre 163 et 484 euros par mois pour les techniciens de la fiction, et entre 107 et 379 euros par mois pour les autres genres comme le divertissement et les magazines, ou le documentaire. Loin du compte, selon les syndicats Spiac-CGT et SNTPCT. La distinction entre genres fait aussi débat.
À l'initiative de la Garrd (Guilde des auteurs-réalisateurs de reportages et de documentaires), des réalisateurs se sont greffés au mouvement. « La colère grandit depuis des années. On est souvent payés au forfait, qui n'augmente pas », dit Sébastien Girodon, 54 ans, qui œuvre sur des magazines d'actualité, non loin d'une pancarte « 50' inside ma précarité ».