Jean-Christophe Boulanger, PDG de Contexte, média en ligne qui fête ses 10 ans, revient sur les grandes actualités de la semaine.

La guerre des images Israël-Hamas, après l’arrivée de l’armée israélienne à l’hôpital Al-Shifa de Gaza.

Comme le dit la phrase attribuée à Kipling, la première victime de la guerre, c’est la vérité. Cette guerre, avec la propagande des belligérants qui s’y manifeste, cristallise la difficulté à s’accorder collectivement sur les faits. Nous avons des factualités différentes et donc pas de dialogue possible. Et notre organisation médiatique, avec ses réseaux sociaux, crée la possibilité d’univers factuels différents. J’y vois un plaidoyer pour le journalisme, à l’instar de Géraldine Muhlmann dans son essai Pour les faits (Les Belles Lettres). On ne peut pas faire confiance à un belligérant. Il nous faut un tiers neutre. Sinon, on reste dans nos bulles de filtre, qui reflètent de plus en plus nos clivages.

La Provence qui supprime 30 postes de journalistes, soit 16% des effectifs de sa rédaction, pour faire face à ses pertes.

Cela reflète la difficulté profonde de la presse locale, malgré une consolidation forte depuis deux décennies qui ne suffit pas à créer de la rentabilité. Il y a eu des groupes plus grands mais les éditeurs ont fait très peu pour leur structuration numérique. La perversion du système vient aussi de ce que la grosse majorité des aides d’État reste réservée à la presse papier. Un tiers des 200 adhérents du syndicat de la presse indépendante en ligne sont pourtant des éditeurs locaux. Je ne crois pas au mythe selon lequel la presse, pour être rentable, doit avoir des subsides publics ou privés. Il n’y a pas d’indépendance éditoriale sans indépendance économique et capitalistique. À Contexte, qui compte 107 salariés pour 54 journalistes, nous sommes à l’équilibre avec 8 millions d’euros de chiffre d’affaires grâce à un modèle d’abonnement à 100% qui touche 1300 organisations, soit 12 000 abonnés.

Le fondateur de ChatGPT, Sam Altman, débarqué d’OpenAI, avant qu'on apprenne son retour.

C’est l’impact d’un choix de gouvernance lié à un recadrage vers une stratégie plus commerciale. OpenAI est une organisation à but non lucratif qui a une filiale commerciale. Il y a eu une divergence entre les fondateurs avec les partisans d’un développement du business et ceux qui prônent la prudence en faveur d’une IA peu dangereuse. Sam Altman se définit comme centriste mais en rejoignant Microsoft, il montre que ses intérêts sont alignés sur les premiers. Les choix de gouvernance sont fondamentaux en particulier quand il y a une tension entre le business et l’éditorial. Pour la presse indépendante, la transition peut se faire à travers trois modèles : celui de Mediapart où les fondateurs ont passé la main à un fonds de dotation, celui d’Indigo (La Lettre) où le fondateur Maurice Botbol a transmis l’entreprise à son fils Quentin, et celui d’Arrêt sur images où Daniel Schneidermann a transmis le capital à ses salariés dans une sorte de scop.

CMA-CGM qui investit dans le laboratoire d’IA, Kyutai, aux côtés de Xavier Niel.

L’IA générative a un potentiel révolutionnaire dans des secteurs d’activité comme le transport maritime. Pour ce qui nous concerne, je ne crois pas qu’elle peut remplacer le vrai journalisme mais elle va pouvoir améliorer la productivité des journalistes. On s’en sert déjà pour la transcription de vidéos ou la synthèse de documents d’une centaine de pages à travers un outil, Contexte Verbatim. Cela permet d’extraire très rapidement des informations intéressantes de rapports ou de vidéos de plusieurs heures.

Quatre-vingts organisations culturelles demandent de la transparence sur les données d’entrainement dans l’IA Act

C’est un enjeu éditorial important en pleine négociation sur le règlement européen sur l’IA. Contexte a révélé que la France et l’Allemagne ont torpillé l’exigence de transparence sur les données d’entraînement. C’est aussi une bonne illustration de l’importance de maîtriser la technicité pour aborder la politique européenne. Et inversement.

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