Gabriel d'Harcourt, directeur général du groupe La Provence, dévoile les grandes lignes de son plan de transformation du quotidien régional alors qu'il prévoit la supression de 10% des postes au sein du groupe de presse. Un magazine consacré à l'OM va être lancé.
Confirmez-vous que 60 départs ne seront pas remplacés contrairement aux engagements pris lors du rachat ? Y aura-t-il un plan social ?
Non, mais je n’éluderai pas la question. Je suis arrivé il y a dix mois dans une entreprise qui a perdu en 2022 12 millions d’euros pour 50 millions de chiffre d’affaires. C’est donc une entreprise très largement déficitaire et qui n’a pas, ces dernières années, enclenché sa transformation, notamment digitale. C’est une prise de retard qui finit par être menaçante. C’est pourquoi nous avons élaboré un plan qui vise à faire de la Provence un joyau ou une référence de la PQR. Il n’y a pas de raison que le titre soit autant déficitaire et qu’il continue à avoir des tendances à la baisse sur sa diffusion totale et son chiffre d’affaires publicitaire. Nous avons donc un projet de redémarrage ambitieux autour de trois axes.
Quels ces trois volets de votre projet ?
D’abord être référent au sein de la PQR en termes de qualité éditoriale. Ensuite, une capacité à innover avec de nouveaux produits, des ambitions en termes de nouvelles technologies et de nouveaux types de ressources publicitaires. Enfin, un engagement sociétal pour le développement de la région, qui passe par des événements qu’on initie ou des partenariats que l’on noue avec des collectivités, des associations ou des entreprises. Il s’agit de s’impliquer dans les sujets qui préoccupent et irriguent la société.
Et sur le plan des effectifs ?
Nous serons toujours déficitaires en 2023, avec un ebitda autour de -9 millions d’euros. L’actionnaire a pris un engagement clair au moment de la reprise de ne pas procéder à des départs contraints. Ce qu’on initie, c’est le lancement d’une GEPP (gestion des emplois et des parcours professionnels) qui vise à accompagner des métiers dans leur transformation. Si on ne le fait pas dans le marché qui est le nôtre et dans un contexte de bouleversement du modèle économique, on court droit dans le mur. Cela se fera à travers un accord qui doit être trouvé avec les partenaires sociaux, avec la perspective d’une soixantaine de postes en moins sur 600. Il y aura des départs volontaires dans le cadre de la GEPP. Et dans le cadre des clauses de cession remplacées par des CDD à la rédaction, la question qui se pose porte sur le nombre de ceux qui seront titularisés en CDI. Dans une entreprise de presse, il y a des métiers émergents, qui vont prendre une part croissante dans nos activités, des métiers stables, des métiers en transformation et des métiers sensibles qui ont moins d’avenir de par l’évolution de la technologie et du marché. La GEPP permettra d’identifier les pistes de formation et de mobilité interne. C’est une démarche participative.
Le repreneur avait pris un engagement de viser l’équilibre fin 2026 et non fin 2024, comme cela semble être le cas aujourd’hui. Comment l’expliquez-vous ?
CMA-CGM, au-delà du prix d’acquisition [80 millions d’euros] a réinjecté 38 millions d’euros depuis la reprise, il y a un an. Il y aura notamment 5 millions d’euros d’investissement digital. Cela montre son implication dans ce projet. Que notre entreprise se prenne aujourd’hui en mains pour tendre vers l’équilibre d’exploitation fin 2024 me paraît assez compréhensible. C’est une dynamique que l’actionnaire veut impulser. Et la situation déficitaire s’est avérée supérieure à ce qui était prévu.
N'est-ce pas une fatalité dans la PQR d’avoir une attrition de son activité ?
Si c’était le cas, je ne serais pas venu. C’est un secteur qui mérite qu’on se batte et je ne crois pas à cette fatalité. Je crois à la capacité de nos entreprises à se transformer. Si on reste passif ou dans la continuité, on ira dans le mur. Notre époque est charnière, on est dans une période qui marque l’histoire. Si on reste dans la fatalité, on fait une croix sur la PQR. Il y a des exemples dans le monde, notamment aux Etats-Unis, de désert médiatique dans les régions.
La transformation consiste-t-elle uniquement à évoluer un modèle digital ?
La part du digital est très importante. C’est une perspective d’avenir alors que le print est structurellement à la baisse. En cinq ans, nous avons perdu près de 20.000 exemplaires en diffusion et plus de 50% de chiffre d’affaires publicitaire. Mais la transformation doit être globale. Et le papier n’est pas sacrifié. Le groupe Why Not Media, qui vient de lancer La Tribune Dimanche, en atteste. Nous allons de notre côté lancer un magazine print dédié à 100% à l’OM début janvier qui donnera lieu à une verticale. C’est aussi une transformation de nos métiers, et de nos locaux puisque nous allons déménager dans le centre de Marseille.
Quels sont les signes encourageants et vos autres projets d’avenir ?
En quelques mois, nous avons lancé une nouvelle formule et une nouvelle signalétique ainsi qu’un nouveau site et une nouvelle appli. Cela commence à porter ses fruits. Depuis janvier, nous avons vu notre audience digitale croître de 30% en pages vues et la dernière étude One Next nous crédite d’une hausse de +10,8% sur l’audience print et digital. On en est fiers ! Notre stratégie vidéo est une de nos orientations fortes. Nous aurons aussi une diversification, une évolution de notre centre d’impression qui sera commun avec Nice Matin, à mi-chemin entre Marseille et Nice, ou encore de notre régie que l’on travaille à faire évoluer vers une agence conseil.