Alors qu’il semblait transmettre à Vincent Bolloré les commandes de ses actifs, celui qui est aussi le nouveau PDG d'Hachette Livre a choisi de veiller personnellement aux destinées de la radio.
Impossible de ne pas conclure que le sujet est stratégique tant les parties prenantes refusent de s’exprimer. Côté Europe 1, seul Arnaud Lagardère est habilité à le faire, en on comme en off. Coté Arcom, c’est no comment. Pourtant, la convention signée avec le régulateur le 25 octobre scelle l’avenir de la station jusqu’au 31 décembre 2027. Arnaud Lagardère a souhaité avoir la main sur ses radios (Europe 1, Europe 2 et RFM), quels que soient leurs actionnaires, en les intégrant dans une société en commandite par actions (SCA), la structure de contrôle de Lagardère jusqu'en 2021, avant son rachat – en cours de finalisation – par Vivendi. Cette sanctuarisation passe par un agrément qui a donné lieu à près de six mois de négociations. Europe 1, par sa nature de généraliste, soumise aux impératifs de pluralisme et d’intérêt public, était au cœur des échanges.
L’autonomie opérationnelle, éditoriale et financière de la station a été coulée dans le marbre. Au 31 décembre, la somme nécessaire à sa trésorerie devra avoir été versée à la SCA. Concernant l’autonomie opérationnelle, Europe 1 doit bénéficier d’équipes rédactionnelles dédiées ne répondant qu’à l’autorité de Constance Benqué, présidente de la nouvelle entité Europe 1 Télécompagnie et d’Arnaud Lagardère. Pas question d’un directeur de la rédaction ou d’un chef de service commun au JDD ou à Paris Match.
Idem pour les fonctions supports et RH. Seule la régie peut continuer à jouer la carte de la synergie avec les marques médias controlées par Bolloré mais les promotions croisées sont interdites. Côté éditorial, la radio doit proposer au minimum 2 heures d’info par jour et 25 heures par semaine entre 5 heures et 1 heure. Les rediffusions de programmes ne doivent pas excéder 2 heures par jour. La station doit promouvoir la cohésion sociale et lutter contre les discriminations. Enfin, et ce point est essentiel, la codiffusion de programmes doit se limiter à 2 h 15 par jour.
Une démarche rassurante
Actuellement, l’interview de Sonia Mabrouk et l’émission Punchline de Laurence Ferrari sont diffusées simultanément sur CNews, à raison de 1 h 20 par jour. Mais la perspective d’un volume plus grand était redoutée. Pour rappel, au sein d’Altice Média, 42 % du temps d’antenne de RMC est diffusé sur les télés du groupe. Enfin, la station est soumise comme le groupe TF1 ou M6 à des obligations en matière de pluralité des points de vue, de défense de la parité, d’éducation aux médias ou de protection de l’environnement.
Pour Alexis Lévrier, historien des médias, la démarche d’Arnaud Lagardère de se raccrocher à son empire est surprenante tant il semblait avoir baissé pavillon face à Vincent Bolloré. Mais elle est de nature à rassurer l’État. « Arnaud Lagardère a une stratégie d’influence comme Xavier Niel ou Rodolphe Saadé et non d’opposition très agressive au pouvoir comme Vincent Bolloré qui constitue un empire vertical et horizontal proche de celui d’un Berlusconi ou d’un Murdoch en allant jusqu’à promouvoir son propre candidat en 2022. » Outre les engagements de respect de la déontologie et du pluralisme qu’elle offre, cette convention s’inscrit surtout dans la perspective du réexamen des autorisations d’émettre en 2025. Elle servira de base et de gage à l’Arcom pour évaluer l’intérêt public de la station.