Succéder à l’iconique Fabienne Pascaud ? Un pari aux allures de défi que la discrète nouvelle directrice de la rédaction de Télérama entreprend de remporter. En équipe.

La vie de Valérie Hurier a des allures de contes de fées. Lectrice fidèle de Télérama depuis sa jeunesse, elle en est devenue la directrice de la rédaction en janvier. Le journal a d'ailleurs un faux air de prince charmant. Riche de ses 428 277 exemplaires diffusés et payés en France et de ses 5,2 millions d'euros de résultat net en 2022, l'hebdo est encore l'un des journaux les plus rentables malgré une diffusion déclinante en 2022-2023  (-5,2 % sur un an, selon l'ACPM). Une vraie cash machine en dépit de la hausse du prix du papier et d'une transition numérique encore en devenir. Avec 88 % des exemplaires vendus par abonnement, Télérama dispose d’une sacrée cagnotte pour conquérir de plus jeunes lecteurs sans perdre les fidèles et s’imposer sur le numérique, comme nous l’explique Valérie Hurier. Dans cette fable, la marraine pourrait avoir l’allure de Cruella, sous les traits de la charismatique et redoutée Fabienne Pascaud, qui œuvre pour le magazine depuis 43 ans et régnait avec poigne sur l’hebdomadaire depuis seize ans. L’impériale a tiré sa révérence le 31 décembre 2022 tout en maniant toujours sa plume de critique théâtral dans le journal et en portant sa voix dans Le Masque et la Plume sur France Inter.

« Candidater a été le fruit d’une longue réflexion car ce n’était pas un objectif personnel. Je ne le voyais pas comme l’aboutissement de ma vie professionnelle qui s’est déroulée à Télérama. Mais Fabienne Pascaud m’y a encouragée », raconte l'héroïne de ce conte qui a été nommée rédactrice en chef télé et média en 2007 puis directrice adjointe de la rédaction en 2020. Un adoubement un rien empoisonné : sa candidature est boudée par la rédaction lors d’un premier vote avec 57 voix contre et 13 bulletins blancs et seulement 59 voix favorables alors qu’il lui en fallait 64. Les contes sont toujours semés d'embuches. Soutenue par la direction du groupe, elle prend son bâton de pèlerin pour expliquer son programme qu’elle nous détaille comme une ritournelle dans ce bureau du siège ultramoderne à côté de la gare Austerlitz : « Télérama pose un regard critique sur la société et s’inscrit dans les débats d’idées en se confrontant à la complexité du monde, à la création artistique et culturelle de l’époque. Comme l’a posé notre éditrice, Fleur Lavedan, la force de Télérama sur le numérique doit refléter la force de Télérama sur le print soit la critique, la recommandation et l’offre servicielle. » Une semaine plus tard, elle est adoubée.

Longtemps redoutée, la succession se déroule sans éclats. Ni grève, ni coup de théâtre, ni couteau dans le dos à la comediante, tragediante. Un conte de fées ? À la question de savoir comment succéder à l’Anna Wintour de la presse culturelle, Valérie Hurier répond : « Il n’est pas question de l’imiter. Nous avons toujours été complémentaires car je ne lui ressemble pas, et parfois hélas. J’ai une plus grande envie de collectif et de travail en équipe. » 

Valérie Hurier a des faux airs de Blanche Neige, discrète et dévouée, dotée « d’un sens de l’écoute loin des postures de manager qui oublient aussitôt ce que vous leur avez dit, ce qui est assez rare », nous confie un journaliste qui poursuit : « Tout se lit sur son visage. C’est parfois drôle parce qu’elle ne peut pas pratiquer la langue de bois et parfois vexant quand elle ne peut pas masquer ce qu’elle pense. » Une autre journaliste confirme : « Elle est en train de mettre fin au système de matriarcat qui étouffait un peu le journal avec une directrice omnipotente qui relisait jusqu’à la moindre chronique. On passe d’une mère toute-puissante à une grande sœur bienveillante. » 

La nouvelle boss a grandi en Corrèze, fille d’un cadre dans un centre de formation professionnelle et d’une marchande de vêtements pour enfants. Son enfance s’est déroulée non loin de la circonscription de Bernadette Chirac et bien loin de toute effervescence culturelle, bercée par la lecture de Télérama. « Même si ça fait un peu storytelling de dire cela, avoue l’intéressée, c’est ce journal qui m’a ouvert à la culture et je voudrais offrir aux lecteurs de 20 ans ce qu’il a pu m’apporter, comme un renvoi d’ascenseur. »

Depuis qu’elle a pris les rênes de l’hebdo, qu’elle a rejoint après Sciences Po Aix-en-Provence et l’école de journalisme de Lille, elle a propulsé en couverture la virtuose chanteuse Zaho de Sagazan, Adèle Exarchopoulos, Pierre Niney ou encore le youtubeur Squeezie. Quant à Virginie Efira, elle posait enceinte de six mois dans le numéro Spécial Cannes de mai dernier. Paris Match, Gala et autres Voici auraient payé cher ce scoop de la star de 46 ans. Alors que l’audience des 25-49 ans progresse de 16 % entre le premier semestre 2023 versus 2022, Télérama va lancer une grande campagne de marque début 2024, après douze ans de silence. Le réveil du prince ?

Parcours

1983. Sciences Po Aix-en-Provence.

1988. Entre à Télérama après avoir obtenu son diplôme de l’École Supérieure de journalisme de Lille.

2007. Rédactrice en chef télé et média en 2007.

2020. Directrice adjointe de la rédaction.

Janvier 2023. Directrice de la rédaction de Télérama.

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