Jean-Marie Charon, sociologue, ingénieur d’études au CNRS, chercheur associé au Centre d’étude des mouvements sociaux, revient sur les grandes actualités de la semaine.
Votre livre Jeunes journalistes - L’heure du doute, publié en octobre aux éditions Entremises.
Ce qui domine - et c’est le titre du livre -, c’est la question du doute. Il y a un décalage très important entre la vision idéalisée du journalisme, la motivation à embrasser cette carrière, les efforts déployés en amont, et la réalité concrète une fois en rédaction. La plupart des jeunes journalistes envisageaient d’avoir un impact positif sur la démocratie, d’aller sur le terrain, d’enquêter en profondeur, de produire des formats longs. En réalité, le métier se révèle souvent précaire (deux sur trois). Il s’agit d’une profession qui recrute le moins, exigeant pourtant des compétences pointues telles que le traitement des données ou le numérique. Les conditions de travail et les horaires irréguliers déçoivent. Les statistiques révèlent que 40 % des jeunes journalistes quittent la profession après seulement sept ans d’exercice. Malgré ces défis, le journalisme continue d’attirer des candidats, les écoles enregistrent toujours une forte demande.
La préparation des États généraux de l’information qui seront lancés le 3 octobre.
L’initiative est importante et qu’elle soit portée par des personnalités comme Christophe Deloire, directeur général de Reporters sans frontières, est encourageant. Ce qui m’inquiète, ayant participé aux États généraux de la presse écrite il y a quelques années, c’est le manque de clarté des objectifs. Selon moi, à ce jour, les priorités sont, d’abord, l’indépendance des rédactions - la loi sur la concentration des médias est trop souvent contournée. Ensuite, la suppression de la redevance : il faut débattre du rôle du service public, l’adapter au nouveau paysage médiatique, et repenser son financement. Enfin, il importe de garantir le travail journalistique : protéger le secret des sources, faire face au secret des affaires, et assurer la sécurité des journalistes confrontés à des gardes à vue, à l’intimidation ou encore aux violences policières.
Le lancement par la Première ministre Élisabeth Borne d’un comité interministériel sur l’intelligence artificielle.
Il s’agit certainement d’une démarche nécessaire compte tenu de l’importance croissante de cette technologie. Mais je crains un décalage entre le besoin massif de réflexion, aussi bien au niveau gouvernemental que dans la société, et les structures actuelles qui pourraient ne pas être à la hauteur de la tâche. Je suis également préoccupé par l’absence de représentants de la culture, de journalistes et de syndicats dans ce comité.
La journaliste Ariane Lavrilleux qui a été placée en garde à vue après avoir divulgué des documents révélant le soutien du renseignement militaire français à des frappes aériennes contre des contrebandiers en Égypte.
La notion d’intérêt supérieur de l’État reste floue, et cette législation porte atteinte au secret des sources. Je considère que la loi est déficiente, et j’ai le sentiment que l’engagement à refondre le texte n’a finalement rien résolu. Mais le législateur semble agir comme si le travail avait déjà été accompli. Je pense que cette question devrait d’ailleurs être abordée lors des États généraux de l’information. En outre, depuis le début de son mandat, le président a adopté une attitude que je considère comme peu saine envers les journalistes et les médias.
Après les émeutes de juin, relayées sur les réseaux sociaux, le ministre chargé du Numérique Jean-Noël Barrot qui propose de constituer une « réserve citoyenne du numérique ».
C’est une idée qui mérite d’être expliquée en détail. Si je reste cohérent, je ne peux pas être contre la mobilisation du secteur associatif et l’implication des citoyens dans cette initiative. Il ne doit pas s’agir d’une mesure cosmétique, mais plutôt d’une démarche concrète et efficace. Les personnes qui s’impliqueront dans cette réserve doivent bénéficier d’un cadre opérationnel clair et de ressources adéquates pour accomplir leur mission.