Google et OpenAI rivalisent d’initiatives pour proposer aux médias des solutions de rédaction automatique d’articles. Et si le sujet de l'IA n’est pas nouveau pour la presse, l’IA générative pose la question des garde-fous à mettre en place. Un article également disponible en version audio.
Écoutez cet article :
Mini-séisme dans les salles de rédaction : Google démarche les plus grands journaux américains avec une solution de rédaction d’articles à partir d’une intelligence artificielle. Si la démarche suscite des émois, cela fait près de dix ans que des médias sous-traitent le « saint des saints », la rédaction d’articles, à une forme d’IA. Des agences de presse et de grands quotidiens ont commencé à déléguer la rédaction à des algorithmes d’analyse automatique des données dans des domaines associant données chiffrées et impératif de mise en ligne très rapide : la Bourse, le sport, la météo et les élections. Dès 2015, Le Monde a par exemple utilisé une solution développée par la start-up Syllabs pour produire des articles annonçant les résultats d’élections locales. « La force de notre technologie, c’est de permettre de produire du contenu de manière industrielle, très rapidement, avec une garantie de fiabilité et d’unicité des articles », explique Claude de Loupy, cofondateur de Syllabs. Fiabilité que l’on ne retrouve pas avec ChatGPT, souligne-t-il.
Depuis fin 2020, la doublure numérique de la présentatrice du journal de la chaîne TV sud-coréenne MBN réalise et commente des vidéos d’actualité créées par une IA. « Le journaliste n’a qu’à écrire le script [...] et la machine en fait une vidéo », se félicite le rédacteur en chef, cité par La Revue des médias. Près de 300 vidéos sont ainsi produites chaque année en un temps record, pour un coût cinq fois moindre qu’un journaliste.
L’arrivée de l’IA générative rend ces technologies accessibles à tous et les cas d’usage se multiplient. Associated Press a signé un accord avec OpenAI pour permettre l’accès à ses archives afin d’entraîner les algorithmes de ChatGPT. Reuters a autorisé l’usage de l’intelligence artificielle générative pour la rédaction des dépêches, tandis que la société Futuri a développé RadioGPT, un générateur de programmes radio. Dans l’Hexagone, Fun Radio a diffusé en février une émission conçue par ChatGPT et le groupe NRJ est en phase de test pour lancer une webradio à partir d’une IA.
Si la rédaction d’articles est un domaine sous haute surveillance, d’autres applications sont possibles. Ainsi, la radio espagnole Cadena SER utilise une IA pour détecter les émotions. Objectif : améliorer l'expérience utilisateur et adapter la publicité.
Mais face à cette accélération de la génération de contenus éditoriaux par les IA, la nécessité de cadrage s’impose. Le groupe Les Echos-Le Parisien s’est engagé dans une charte à ne « pas publier de contenu éditorial généré [par une IA] sans supervision éditoriale et humaine ». Reporters sans frontières a annoncé fin juillet l'élaboration d'un texte encadrant l’utilisation de l’IA dans les médias. « Comment assurer l'indépendance éditoriale si des modèles de langage propriétaires sont utilisés par les rédactions pour suggérer, relire, voire rédiger des articles ? », s’inquiète l’association.