Offre de SVOD et de podcasts, documentaires, présence en TV connectée… L’Institut national de l’audiovisuel parie sur la mise en valeur du patrimoine audiovisuel par l’éditorialisation.

Il faut visiter les deux data centers et le mur d’images de l’INA, à Bry-sur-Marne, pour mesurer la puissance de son outil de collecte de données. 186 chaînes y sont suivies en permanence dont 105 de télé et 81 de radio. Sans compter 11 100 comptes de plateformes vidéo, 17 500 sites web et 16 300 comptes Twitter pour le dépôt légal. Chaque heure représente 6,5 téraoctets, soit l’équivalent de 12 PC portables. « Il faut 3 minutes pour livrer un client », souligne Frédéric Chéron, chef de service, devant les armoires sécurisées de ses serveurs. Tout a été pensé pour protéger notre mémoire nationale. « L’autre data center est disponible en cas d’incendie et nous avons une autonomie de 60 jours si l’électricité est coupée », ajoute-t-il.

« Nous sommes un média de service public, résume Laurent Vallet, PDG de l’INA, pour qui il n’y a pas de patrimonialisation sans éditorialisation. D’où l’importance des journalistes et des documentalistes qui vont aller vers des métiers pré-éditoriaux à mesure que l’automatisation gagnera en puissance. « Dans trente ans, on devra retrouver des images, mais faut-il taguer “gilets jaunes” ou “émeutiers urbains” ? », relève-t-il. D’où aussi des initiatives destinées à « valoriser notre patrimoine audiovisuel, rendre la mémoire collective à tout le monde et donner de la profondeur à l’actualité », selon Agnès Chauveau, directrice générale déléguée.

L’INA Podcasts a été créé en février et totalise déjà plus d’un million d’écoutes. On y retrouve Les Archives du crime, Arsène Lupin ou Simone Veil. Une collection de vinyles a été lancée avec Gainsbourg ou Brel. L’INA produit ou coproduit aussi 25 documentaires par an, à l’instar de En Guerre pour l’Algérie, série de 6x52 mn pour Arte, déclinée en livre et en podcast. Sa plateforme vidéo Madelen créée il y a trois ans, entend doubler ses 60 000 abonnements payants. Depuis septembre sur YouTube, l’offre a fait le choix de l’hyper-distribution à travers Amazon, Orange et la TV connectée. « Le virage éditorial est de se dire qu’on ne peut pas miser que sur la nostalgie », observe Agnès Chaveau. D’où un travail d’édition pour faire écho à l’actualité. L’émission ADN, avec Patrick Cohen, fait 60 % de ses vues sur Instagram.

Avec Facebook, YouTube rassemble 1,3 milliard de vues. « Une archive présente au bon moment aura plus d’écho », dit Antoine Bayet, directeur éditorial. Encore faut-il être en mesure de sortir des images des trente dernières années pour parler aux plus jeunes. Après Ardisson, ce sera au tour de Mireille Dumas d’avoir sa chaîne YouTube à la rentrée. Et des accords sont en train d’être conclus avec les fonds de Tony Comiti (Envoyé spécial) et de Capa.

Un tiers de recettes propres

Sur 25,8 millions d’heures d’archives conservées depuis plus de cent ans, dont 1,6 million de plus par an, 25,7 millions d’euros ont été versés en 2022 au titre de la cession d’archives. Preuve que la collecte des documents audiovisuels et sonores peut rapporter même si l’INA reste dépendant pour près de 90 millions d’euros de la ressource publique. Sur 130 millions d’euros de budget l’an dernier, 42 millions ont été dégagées en recettes propres, ce qui est un modèle du genre. Outre les archives, la production et l’édition ainsi que l’enseignement et la recherche rapportent une quinzaine de millions.

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