Docteure en économie, professeure en sciences de l’information et de la communication, Nathalie Sonnac appelle à voter une nouvelle loi pour sauver notre modèle démocratique face aux Gafan.
Elle n’est plus au CSA, qu’elle a quitté début 2021, mais Nathalie Sonnac reste très investie dans le paysage médiatique sous toutes ses formes. L’an dernier, elle était auditionnée par la commission d’enquête sénatoriale sur la concentration dans les médias. En début d’année, elle commentait pour Kantar/La Croix la perte de confiance dans les médias. Et ce printemps, après avoir été entendue sur l’audiovisuel public par la mission Gaultier-Bataillon – dont elle juge le rapport « très équilibré » -, elle publie un livre, Le Nouveau monde des médias, une urgence démocratique (Odile Jacob).
L’universitaire, qui a retrouvé ses cours de professeure à Panthéon-Assas, se voit comme une « lanceuse d’alerte ». Si l’urgence est démocratique, confie-t-elle à Stratégies, c’est qu’elle est autant « politique et économique que sociétale ». L’ancienne conseillère du CSA observe un « vacillement des médias » qui voient se raréfier leurs ressources publicitaires comme leurs parts d’attention et, parallèlement, la « concurrence déloyale des plateformes » qui profitent d’une asymétrie de réglementation comme de régulation.
Or face à l’explosion du temps d’écran visionné, notre cadre régi par la loi de 1986 est obsolète. Pas de prise en compte de la donnée et du partage de sa valeur. Et surtout, une difficulté à arraisonner les acteurs du numérique dans notre champ de régulation. En attendant les remèdes de l’UE (DSA, DMA), elle espère une nouvelle loi : « lâchons la contrainte sur les acteurs privés », déclare-t-elle. Il faut, selon elle, réviser le dispositif anti-concentration, assouplir les décrets Tasca qui fixent un taux de production indépendante, ou autoriser les annonceurs à mentionner l’adresse de leurs points de vente dans la publicité ciblée.
De même, face à Netflix, pesant 17 milliards de dollars dans les programmes, Nathalie Sonnac appelle à desserrer l’étau des chaînes privées. Pour elle, les films sur cette plateforme, 17 mois après leur sortie en salles pour 4 % du CA dans le cinéma français, relèvent d’une incompréhension majeure. « Canal+ met plus de 200 millions d’euros dans la défense de notre exception culturelle, soit 70 % de ce que mettent les chaînes, rappelle-t-elle. La transposition de la directive SMA a créé une obligation de financement de la création par les plateformes, mais les chaînes télés sont confrontées à l’inflation des coûts du fait de ces acteurs alors même qu’elles assurent la fiabilité et le pluralisme de l’information ».
Quid d’Hanouna qu’elle a eu à réguler ? L’ex-conseillère rappelle que l’institution n’est pas impuissante puisque l’animateur a dû payer au total 6,5 millions d’euros. Mais face au « désordre informationnel », alimenté par les réseaux sociaux, elle fait sienne l’idée de verser le produit des amendes, non au CNC, mais à la mission d’éducation aux médias de l’Arcom. « Soyons originaux et inventifs », plaide-t-elle dans Le Monde.
Parcours
1996. Docteure en sciences économique, Université Panthéon-Sorbonne
2008. Professeure d’université
2009. Directrice de l’Institut français de presse
2010. Chercheuse au Centre d’Analyse et de Recherche Interdisciplinaires sur les Médias
2015. Membre du CSA
2020. Présidente du comité d’éthique des données d’éducation
2022. Présidente du conseil d’orientation et de perfectionnement du Clémi