À la tête du groupe Unique Heritage Media, ce polytechnicien édite quarante titres jeunesse, le journal scientifique « Epsiloon » et le podcast à succès « Mythes et légendes ».
« À 10 ans, dans la bibliothèque de mon collège, j’ai découvert Science & Vie. C’est grâce à cela que je suis devenu ingénieur », raconte sobrement Emmanuel Mounier dans son bureau proche de la porte de Clichy. Aujourd’hui, il édite Epsiloon, créé en juin 2021 par un collectif d’anciens du magazine iconique. C’est par ce biais que le nom de son entreprise Unique Heritage Media a gagné en aura, sortant du strict univers de la presse jeunesse, avec quarante titres, d’Abricot au Journal de Mickey.
Après le rachat de Mondadori par Reworld Media, les journalistes de Science & Vie ont déploré le manque d’effectifs et la perte de contrôle du site internet, confié à des chargés de contenus non journalistes. Une quinzaine d’actuels ou d’anciens ont créé Epsiloon. « C’est le fruit d’une rencontre, poursuit Emmanuel Mounier. L’une des journalistes du groupe, qui travaillait sur l’appli de Quelle histoire m’a proposé de rencontrer les deux rédacteurs en chef. On a travaillé sur un budget pour trouver le bon équilibre. L’objectif ? Faire un produit de qualité en toute indépendance ».
Déontologie
Échaudée par les problématiques de déontologie, l’équipe d’Epsiloon a travaillé sur une charte pour codifier la relation avec son actionnaire pendant trois semaines. « Je suis très à l’aise sur le sujet. Mon métier est d’être éditeur, producteur et diffuseur de média. Et étant actionnaire à 95 % de mon entreprise, j’ai toute l’indépendance d’esprit requise. Et cela donne beaucoup de liberté à mes équipes. Nos clients sont nos audiences et ils financent l’économie de l’entreprise », affirme-t-il.
La pub représente 4 % du chiffre d’affaires total du groupe qui s’élevait à 67 millions en 2022 et à 64 millions d’euros en 2021 pour 120 collaborateurs et 8,3 millions de lecteurs mensuels. « C’est une cerise sur le gâteau et je la prends mais j’ai beaucoup de liberté grâce à cela ». Ingénieur dans l’âme, Emmanuel Mounier a créé et mis en place avec Ekimetrics un outil de réglage par l’IA, baptisé Athenian pour optimiser le nombre d’exemplaires d’Epsiloon déposés dans chaque point de vente. « Vu le CO2 dégagé et les coups de transports, je me disais que ce n’était plus possible », explique le patron. Cela lui a permis de réduire de 25 % son tirage pour éviter les invendus. Il l’a appliqué à toutes ses publications et s’étonne qu’aucun éditeur n’en ait encore voulu.
Dans le bureau attenant au sien sont accrochés quelques-uns des signes de sa réussite, dont de petites photos de lui. L’une avec François Hollande, l’autre avec Brigitte Macron, son entreprise soutenant l’opération Pièces jaunes. « J’en ai une avec Emmanuel Macron mais je ne l’ai pas encore encadrée », déclare-t-il sans forfanterie. À 49 ans, il est de ceux que la réussite satisfait, mais visiblement sans exacerbation de l’ego. Rien ne semble l’ébranler. Sauf la maladie de son fils. C’est le seul épisode personnel qu’il évoque de son propre chef. Un 23 février, son fils cadet de 11 ans a été sauvé par une greffe du foie. Il en a aujourd’hui 16 et son frère 18 ans. C’était un 23 et Emmanuel Mounier aime ce chiffre. C’est celui de son département de naissance. La Creuse.
Mémoire des chiffres
Il y grandit loin de tout, fils unique d’une documentaliste en collège et d’un prof de comptabilité. Ce dernier lui apprend à 10 ans les intérêts capitalisés. « À 12 ans, je codais en basique et suivais un portefeuille boursier. J’ai deux passions l’une pour l’économie, l’autre pour l’histoire et une redoutable mémoire des chiffres », souffle-t-il. « À 14 ans, je voulais être pilote de chasse. J’ai quitté mes parents pour entrer au lycée Prytanée de La Flèche. J’étais assez introverti. Cela m’a permis de développer mon assurance ».
« Sur une classe prépa de 25 à 30 élèves, 5 à 12 entraient chaque année à Polytechnique », assure-t-il. Il suit cette voie, ce qui lui fait un point commun avec Bernard Arnault et Claude Perdriel cette fois. Il est d’abord banquier d’affaires à Paribas avant de travailler dans la stratégie d’entreprise chez Pechiney puis Safran. Il met un pied dans la presse en 2014 en devenant un des actionnaires de l’application jeunesse Quelle histoire, qu’il utilise pour ses propres enfants. Puis c’est le rachat des éditions Fleurus l’année suivante. « Il m’a fallu convaincre qu’après sept ans dans l’aéronautique, on peut être un manager sérieux dans les médias ». En 2019, il rachète Disney Hachette Presse qui lui permet d’exploiter les magazines sous licence Disney (Le Journal de Mickey, Picsou Magazine…). Aujourd’hui, il est aussi très présent sur l’audio, savourant le succès des podcasts Mythes et Légendes dans le top 5 des Spotify et autres Deezer. Il investit dans Lunii, la boîte à histoires pour enfants. « Mon groupe veut innover et démocratiser les savoirs en les rendant accessibles à tous ». La feuille de route est claire.
Parcours
1994. Intègre l’École polytechnique.
1997-2001. Fusions-acquisitions chez Paribas.
2007-2013. Travaille pour le groupe Safran.
2014. Créé Unique Heritage Media en achetant les éditions Quelle Histoire, puis Fleurus.
2019. Rachète les éditions Disney Hachette Presse.
2021. Création d’Epsiloon.