Si l’échec de la fusion entre TF1 et M6 rebat les cartes de l'audiovisuel, la question de l’avenir de Salto se pose, elle aussi, dans de nouveaux termes. L’actionnariat de la plateforme pourrait se recomposer.
Cerné par des plateformes toujours plus nombreuses (Netflix, Disney+, Amazon Prime Video…), et placé au carrefour des stratégies de ses trois actionnaires (France Télévisions, M6 et TF1), Salto a peiné, ces dernières années, à trouver sa place. Pas sûr que la période qui s’ouvre, marquée par l’obligation pour chacun de retrouver des directions, compte tenu de l’échec de la fusion TF1-M6, soit à son bénéfice. Sauf à considérer qu’il est utile de revenir à un point de départ : celui de créer une alternative puissante aux plateformes de SVOD américaines.
Le 26 janvier, devant la commission d’enquête du Sénat, Thomas Rabe, le patron de Bertelsmann, la maison mère de M6, avait estimé que Salto avait « un vrai rattrapage à faire », ayant cinq fois moins d’abonnés que sa plateforme allemande aux 2,6 millions de souscripteurs. Deux ans d’expérience et un actionnariat clarifié peuvent-ils aider ? « Dans un premier temps, ce sera un retour sous de meilleurs augures par rapport à une situation à 2 + 1 », positive Renaud Kayanakis, directeur télécoms, médias et divertissement du cabinet de conseil Sia Partners, à qui toutefois l’avenir de la plateforme n’apparaît pas rose.
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Comptant 90 personnes, Salto, qui ne communique pas sur sa base d’abonnés (523 000 dont 397 000 payants à fin 2021 selon un rapport du Sénat, autour de 700 000 selon Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, début 2022, 500 000 selon Capital à la même période), voit son avenir suspendu à plusieurs questions. L’une des plus brûlantes est celle de ce qu’en fera M6, longtemps en vente et dans l’incertitude jusqu’à très récemment quant à son avenir. Le lundi 3 octobre 2022, Bertelsmann a annoncé renoncer à sa cession, alors que plusieurs repreneurs avaient exprimé leur intérêt et déposé des offres. Mais un calendrier très serré, des risques légaux et diverses autres incertitudes ont eu raison de ce projet.
Le futur patron de TF1, Rodolphe Belmer, devra également trancher. « Ce tiers de capital ne permet pas à TF1 de définir un vrai projet dans le payant », assure Philippe Bailly, président-fondateur de la société spécialisée dans les médias et la transformation numérique NPA Conseil. Quant à France Télévisions, qui souhaitait se désengager avait, en mars 2022, noué un accord par lequel le groupe cédait sa participation aux deux autres en cas de fusion. Le projet n’ayant pas été mené à son terme, l’accord devient par conséquent caduc. Et la possibilité de cession reste ouverte.
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Autre paramètre, les chaînes télévisées investissent de plus en plus dans leurs propres plateformes de streaming : MyTF1 et MyTF1 Max, 6Play, France.tv… La question de la pertinence pour elles de mener deux projets comparables de front n’est pas nouvelle mais se pose avec d’autant plus d’acuité aujourd’hui.
Si la complémentarité entre les différents sites internet peut se plaider, resterait à trouver des lignes mieux définies pour chacun. « La disparition de Salto serait inquiétante car ce serait une destruction de valeur et pas un bon signal sur la capacité de la France à fabriquer un groupe concurrent des américains », prévient Renaud Kayanakis.