L'industrie du podcast connaît une croissance vertigineuse : le nombre d'auditeurs réguliers de podcasts est passé de 900 millions en 2019 à presque deux milliards en 2021. À l’échelle mondiale, les revenus publicitaires générés par ces services audio à la demande ont augmenté de plus de 65% par an entre 2016 et 2019. Le seuil de 4 milliards de dollars devrait être atteint d’ici 2023. Et la France suit la même évolution, selon une étude menée par CSA, HavasParis et PodInstall. Ce tour de force suscite de nombreuses interrogations. Comment s’opère cette progression continue ? Existe-t-il des modèles économiques qui ressortent de cette industrie, et si oui lesquels ?
Le podcast connaît un bond, et cela n’est pas près de s’arrêter. S’inscrivant dans la complémentarité par rapport aux médias déjà existants, c’est un format nativement numérique au contenu original, qui apporte des modes d’expression et de consommation nouveaux. Attirant de plus en plus d’auditeurs grâce à la multitude de contenus originaux et de qualité proposés, ceux-ci restent en général fidèles au format. En effet, lors de leurs déplacements ou d’autres activités, ils écouteraient deux à quatre podcasts en moyenne.
Le format audio du podcast constitue sa force, car il a su résister face à la pression exercée par le format vidéo. De fait, si depuis les 20 dernières années, le média vidéo est en pleine ascension au détriment de l’écrit, les revenus publicitaires des radios ont quant à eux réussi à se maintenir. Partiellement en concurrence avec sa cousine numérique, la radio, le podcast en constitue néanmoins son prolongement, au même titre que le replay pour la TV linéaire. Cela explique pourquoi des pure players nouveaux comme Binge Audio côtoient donc les radios France Inter, RTL ou Europe 1 dans le top 10 des podcasts iPhone.
Intérêt croissant des annonceurs
Pour les spécialistes marketing, le format particulièrement accrocheur des podcasts est intéressant à exploiter. Selon un rapport de l'IAB, 61% des auditeurs auraient payé pour un produit ou un service après en avoir entendu parler au cours d’un podcast. De plus, l’efficacité des publicités présentes dans les podcasts serait 4,4 fois plus importante que dans les publicités display, d’après une étude de Nielsen.
Les podcasts intéressent de plus en plus les annonceurs, notamment en raison des CPM (coût pour mille), généralement plus élevés que pour la majorité des autres médias. Les annonceurs promettent donc des accords publicitaires à long terme et des partenariats. Néanmoins, cette manne publicitaire ne concerne pas tous les créateurs. Une «prime aux leaders» est de mise, à l’instar de tout secteur financé par la publicité. De manière générale, les annonceurs se concentrent sur le taux d'écoute et de téléchargement après 30 jours de publication. Cependant, seulement 20% des podcasts obtiennent plus de 1 100 téléchargements durant le premier mois de publication. Même si de nombreux grands annonceurs demandent un minimum de 50 000 téléchargements par épisode passé 30 jours, ils sont seulement 1% à être capables d'atteindre ce seuil.
De ce fait, 15% des podcasts seulement génèrent 80% des revenus liés à la publicité et aux abonnements. Ceux-ci sont évidemment les plus importants, essentiellement les formats des fournisseurs principaux, bénéficiant d’une plus grande portée. Le financement par la publicité reste donc compliqué pour les autres.
Développement du payant
En complément des revenus publicitaires, il est possible d’utiliser des méthodes de monétisation directes et alternatives telles que les abonnements premium et les dons. Pour les créateurs de podcasts, surtout ceux de la longue traîne, il est pertinent de proposer du contenu payant. En comparaison aux accords de licence exclusive, l'économie des podcasts par abonnement peut être plus bénéfique pour les hôtes et les créateurs. Par ailleurs, un nombre croissant d’auditeurs se disent prêts à payer pour écouter leurs podcasts. C’est pourquoi en 2022, Spotify testera les podcasts payants à 5 euros par mois en Europe à la suite d’un test concluant aux États-Unis. Il faut cependant garder à l’esprit qu’il ne s’agit que de tests pour le moment. La réalité est encore marquée par la difficulté de convertir au payant des consommateurs de contenus ultra sollicités.
Pour les producteurs de contenus souhaitant se lancer dans les podcasts, les risques peuvent paraître importants en raison d’un contexte encore incertain. Pourtant, il est possible d’être acteur dans l’industrie du podcast sans trop s’exposer par le biais de positions alternatives de «facilitation». Des positionnements le long de la chaîne de la production ou de la valorisation sont également possibles pour les podcasts, à l’image d’autres secteurs du numérique, tels que les jeux sur mobiles (Voodoo) ou les marketplace (Mirakl). Pour les créateurs de podcasts, un potentiel de revenus supplémentaires peut être offert par les services d'assistance sur la chaîne de valeur comme l'édition, l'hébergement et la promotion. Par exemple, les services d'hébergement de podcasts payants ne sont pas de simples espaces de stockage ; ils proposent aussi analyse, assistance, intégration sociale et autres fonctionnalités.
L’établissement d’une feuille de route stratégique par les acteurs est donc indispensable dans ce marché en plein essor. Celle-ci repose sur trois volets. Tout d’abord, la nécessité de définir les cibles et le format. Ensuite, les acteurs se doivent de choisir un business model (publicité/payant) ainsi que les métiers, la chaîne de valeur qu’ils veulent maîtriser. Enfin, il est nécessaire de mettre en place des partenariats tout en finançant les acquisitions. Depuis deux ans, le marché mondial du podcast évolue vers des plateformes de niche. Du fait des faibles barrières à l'entrée, elles permettent de desservir un nombre incalculable de niches. Ainsi, en dépit de la concentration des plateformes audio, les petites marques qui sont composées en général d’une base de clients passionnés sont attirées par les plateformes verticales.