Dossier 100% luxe
Comme les marques, les médias luxe ont dû innover avec la pandémie. Ils ont investi dans la production de contenu et développé de nouvelles offres publicitaires.

Les confinements n’ont pas été propices aux ventes de magazines en kiosques mais ils ont encouragé la lecture sur internet. Ainsi Madame Figaro a enregistré une hausse d’audience de 30 % sur son site entre 2020 et 2021, avec 18 millions de visites par mois et 6,2 millions de visiteurs uniques. « Nous avons réorganisé nos équipes pour intégrer plus de numérique et être davantage présents sur les réseaux sociaux », expose Anne Pican, éditrice de Madame Figaro. Studio de création, tournages, montage, la rédaction s’est structurée au-delà des shootings pour papier glacé. L’offre luxe s'appuie sur deux titres : Madame Figaro, média statutaire à l’expertise reconnue sur la mode, et Mad, média vidéo destiné à une cible jeune. « Nous privilégions Instagram, plateforme la plus mature sur l’image, précise Laura Lavergne, directrice du développement de Mad. Facebook est toujours un grand pourvoyeur de trafic sur le site et Pinterest nous permet de monter des opérations pendant les fashion weeks. »

Remise à plat de l'offre publicitaire

La crise du covid a aussi été l’occasion d’une remise à plat de l’offre publicitaire pour le groupe Marie Claire, qui édite le magazine éponyme, Cosmopolitan et Stylist. « On a cherché à créer de nouvelles offres pour sortir des formats classiques, avoir plus d’impact et accompagner au mieux nos clients. Auparavant, nous étions davantage sur l’image. Aujourd’hui, nous allions le contenu à la performance », indique Anouk Kool, directrice exécutive de GMC Media, la régie du groupe Marie Claire. Outre une expérience « brand safe » et un écrin éditorial, les sites des médias peuvent en effet proposer aux annonceurs des solutions orientées business. GMC Media a ainsi conçu un dispositif drive to e-shop, pour générer du trafic qualifié sur le site e-commerce de l’annonceur, une formule d’échantillonnage adressée à des bases de données ciblées, du content commerce (l’intégration des contenus sponsorisés avec un bouton acheter à l’intérieur de l’éditorial) et une offre spécifique pour les réseaux sociaux. Autant de solutions développées avec l’expertise data du groupe.

Avec 17 millions de visiteurs uniques, dont 6 millions de femmes responsables des achats ayant un revenu supérieur à la moyenne nationale, les sites du groupe Marie Claire ont en effet des atouts à faire valoir auprès des annonceurs de la beauté, de la mode et de la gastronomie. « Nous avons monté ces offres dans la première semaine du confinement et depuis nous sommes dans une logique de test and learn. De même que les annonceurs du luxe proposent du sur-mesure à leurs clients, nous devons aussi développer des dispositifs qui leur facilitent la vie et répondent à leurs objectifs. Leur dynamisme nous pousse à être agiles et à nous remettre en question », affirme Anouk Kool.

Demande de brand content

Au-delà de l’éditorial et de l’achat d’espace, les marques de luxe sont en demande de brand content (création de contenu), format le plus à même de mettre en valeur leurs engagements dans l’artisanat, la RSE (responsabilité sociétale des entreprises) ou la seconde main. Le groupe Figaro a développé une offre dédiée, en partenariat avec des annonceurs ou en marque blanche. Il a par exemple collaboré avec la maison Celine du groupe LVMH pour la mise en avant du sac Tabou, avec une vidéo et des photos sur le compte Instagram et le site de Madame Figaro. M Publicité, la régie du groupe Le Monde, a créé l’expertise Vivant, dédiée aux projets de communication des acteurs de la gastronomie. « Pour nos campagnes internationales, on travaille avec des acteurs de référence comme Highsnobiety, i-D, Dazed. Les marques réalisent des sujets en co-création mêlant le gaming et la mode », témoigne Alexandre Chavagnac, directeur de la stratégie de Dentsu.

Conséquence du revenge buying

Pour Delphine Royant, chief business officer de Condé Nast France (Vogue, Vanity Fair, GQ, AD), cette tendance est une conséquence du revenge buying, le retour massif des clients en points de vente : « Les marques de luxe n’ont pas eu besoin d’investir davantage en communication pour générer du trafic dans leurs points de vente, mais elles ont exprimé un besoin de recréer de la désirabilité et de la valeur de marque en communiquant sur des supports ou des formats générateurs d’image. Nous le constatons dans le fort accroissement des briefs que nous recevons depuis le début de l’année pour réaliser des opérations spéciales et de créations de contenus inspirants et porteurs de sens. » En juin 2021, Vogue Paris (devenu depuis Vogue France) a ainsi livré son interprétation de la collection croisière Towards the Sun de Gucci, à travers une série mode relayée sur les réseaux sociaux, qui a touché plus de 500 000 personnes.

Partenariats avec des influenceurs

Autre façon pour les médias de digitaliser leur audience : nouer des partenariats avec des influenceurs. Vogue France produit une série sur YouTube avec Léna Situations, baptisée Vlogue, qui décrypte l’univers de la mode. Le troisième épisode l’emmène à Rome, dans les coulisses de la maison de haute joaillerie Bulgari. La jeune femme apporte sa fraîcheur et ses plus de 2 millions d’abonnés à la chaîne YouTube du média de référence sur le luxe (près de 600 000 abonnés). Invitée des défilés de la fashion week, elle s’est également glissée dans les ateliers haute-couture de Dior pour Vogue.fr. « Les influenceurs humanisent le média, lui apportent une dimension de proximité, tandis que ce dernier représente la réassurance, la légitimité éditoriale. Cela donne des croisements d’audience intéressants », analyse Guillaume Doki-Thonon, cofondateur de la société de marketing d’influence Reech.

Quelle place pour le papier face à cet écosystème digital ? Il représente à son tour un produit de luxe au contenu soigné, notamment à travers des numéros collector, comme le spécial Corps de Madame Figaro en octobre. Les conversations des réseaux sociaux influencent la ligne éditoriale, comme le thème du body positive, la représentation de tous les corps. La une de Vogue France avec Aya Nakamura, en novembre, à l’occasion du changement de nom du magazine, peut être vue comme une volonté de croiser les univers et les générations.

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