« J’ai été un immigrant de première génération dans l’univers numérique : j’ai quitté l’analogique pour aller sur internet en 2006, sur Lefigaro.fr. C’était alors un univers jugé exotique, l’âge du web et des blogs ; le web 2.0 n’était pas encore né. Quinze ans de numérique, à l’échelle des médias, ce n’est rien. Nous ne sommes qu’au début de l’histoire… Là où, avant, nous étions dans une logique d’édition, le numérique a mis au cœur des process de production, l’idée du flux de contenus. Là où les médias disposaient du privilège de publication, le web puis les réseaux sociaux ont permis à tout un chacun de publier, quasiment gratuitement, tout ce qui était partageable. Ces deux révolutions ne font que commencer.
Face à cela, chaque média réagit à sa manière. Certains ont placé la logique de flux au cœur de leur stratégie en créant une activité de ce type. C’est ce qu’a fait la chaîne Franceinfo, à la fondation de laquelle j’ai participé. Le Monde a réussi à réinventer son modèle économique en faisant arriver par des flux vidéo ou texte de nouveaux abonnés. Face à la deuxième révolution, c’est plus compliqué. Les Gafa ont capté une majorité des usages des réseaux à leur profit. Le risque se mesure sur le plan de la monétisation et de la démocratie. Par ailleurs, face à cet océan de contenus, la vérification de l’information constitue pour les journalistes un champ nouveau d’exercice de la profession qui n’existait pas il y a une dizaine d'années.
Si on se projette encore dans dix ans, l’enjeu prioritaire est l’éducation aux médias des générations qui ont connu l’écran au berceau. »