Télévision
Après les retours de The Voice, Top Chef et Pékin Express, celui de Koh-Lanta le 12 mars sur TF1 se fait dans un contexte publicitaire très tendu. Mais l’enjeu est aussi en termes d'audience.

« Un pari fou », « une saison qu'on est allé chercher avec les dents » : lors de la présentation mi-février 2021 de la nouvelle saison de Koh-Lanta : Les Armes secrètes, diffusée sur TF1 à partir du 12 mars, les équipes de la chaîne et d’Adventure Line Productions (ALP) n’ont pas fait preuve d’euphémisme pour qualifier le premier tournage de la célèbre émission d’aventures en temps de Covid, en Polynésie française. « Pendant longtemps, j’ai cru qu’on serait obligé de décaler. Le protocole était extrêmement strict. Ce programme est attendu un peu comme le messie à un moment où l’on ne peut pas voyager », expliquait alors Denis Brogniart, qui en est à sa 25e édition en tant que présentateur.

6,5 millions de téléspectateurs en moyenne

Pour TF1, l’enjeu est de taille. Les deux saisons diffusées l’an dernier – L’Île des héros entre février et juin, et Les 4 terres entre fin août et début décembre 2020 – ont permis à la chaîne de rassembler 6,5 millions de téléspectateurs en moyenne, pour une part d’audience (PDA) de 26,9 %, du jamais-vu depuis six ans. L’émission figure même à seize reprises dans le classement des 100 meilleures audiences de l’année 2020, et réalise 30 des 50 meilleures audiences de divertissement. « Koh-Lanta est économiquement très intéressant pour TF1, en raison de son volume d’audience et de ses performances sur les cibles commerciales et sur les jeunes », résume Julien Levy, trading manager chez GroupM.

Sur les femmes responsables des achats de moins de 50 ans, le programme a enregistré une PDA de 42 % en 2020, contre 27 % pour la moyenne des primes de TF1. Sur les jeunes, Koh-Lanta a réalisé 58 % de PDA chez les 4-14 ans et 49 % chez les 15-34 ans, contre 32 % et 28 % en moyenne pour un prime. Conséquence, la moyenne d’âge des téléspectateurs est plus basse : 42 ans pour Koh-Lanta, contre 49 ans pour The Voice, 45 ans pour Top Chef.

« Ces chiffres justifient des tarifs publicitaires dans le haut de ce que propose TF1 », note Philippe Nouchi, directeur de l’expertise chez Publicis Media. La première coupure de l’émission du 12 mars par exemple est affichée à 89 000 euros bruts les 30 secondes, contre 72 000 euros pour un spot équivalent sur The Voice.

Au total, selon une estimation de Publicis Media, réalisée pour Stratégies, Koh-Lanta a rapporté la saison dernière 2 millions d’euros nets de publicité par épisode, soit 30 millions pour une saison de 15 épisodes, l’équivalent de 60 millions d’euros par an. À ce chiffre s’ajoutent les recettes de parrainage, qui peuvent représenter 10 % à 20 % de recettes supplémentaires selon les chaînes, ainsi que celles des produits dérivés (licencing), qui, dans le cas de Koh-Lanta, vient de valoir à TF1 le prix de la meilleure marque lifestyle/corporate/célébrité au Licensing International Awards France 2020. Autant de recettes qui permettent à la chaîne de largement rentabiliser l’un de ses programmes stars, qui lui coûterait entre 20 et 30 millions d’euros par saison. Cette année, le contexte sanitaire a alourdi la facture de 300 000 et 400 000 euros, a chiffré Alexia Laroche-Joubert, patronne d’ALP.

Reste que la période n’est pas des plus favorables sur le plan de la publicité, ce qui n’est pas sans conséquence pour l’économie de ces grandes marques programmes, particulièrement nombreuses au premier trimestre. Outre Koh-Lanta, TF1 a lancé le 6 février une nouvelle saison de The Voice ; sur M6, Top Chef est revenu le 10 février et Pékin Express, le 23 février. « C’est le paradoxe : ces programmes sont en forme, avec par exemple pour Top Chef 500 000 téléspectateurs de plus qu’en 2020 sur les trois premiers numéros (à 4 millions de téléspectateurs), mais les investissements publicitaires sont en décrochage », observe Frédérique Barbe, head of multiscreen chez Mediacom (GroupM).

Un nombre de coupures publicitaire réduit

En un an, Top Chef a perdu 25 minutes de publicité sur les trois premières émissions, soit une baisse de 35 %. Le nombre de coupures publicitaires a aussi été réduit (une seule coupure de 6 minutes pour les deux premières émissions, deux de 5 minutes pour les deux suivantes, contre trois de plus de 5 minutes début 2020). « C’est peut-être une stratégie pour lancer l’émission dans un contexte de moindre demande publicitaire. Mais ça m’étonnerait que Top Chef soit rentable avec une seule coupure », analyse Philippe Nouchi.

Même tendance du côté de TF1, avec 40 minutes de publicité en moins sur les quatre premiers primes de The Voice et un écran publicitaire moyen de 5 minutes contre 6 début 2020. Pour autant, les annonceurs ne désertent pas ces grands rendez-vous, loin de là. « Ces grandes marques programmes sont vues comme des valeurs refuges dans l’esprit des annonceurs, estime Bertrand Nadeau, directeur général de l’agence Fuse (groupe Omnicom). Les primes sont aussi plutôt préservés dans les plans médias aujourd’hui. Ceux qui trinquent sont plutôt des programmes moins événementiels. »

Pour les chaînes, il aurait également été compliqué de décaler ces grosses cartouches à des temps meilleurs. « Le calendrier télé est très cadencé, les chaînes n’ont pas intérêt à bouger la saisonnalité de leurs programmes car il y a un risque à changer les habitudes de consommation télé des gens », estime Frédérique Barbe. Et leur sentence serait irrévocable.

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