Presse
Un communiqué du Syndicat national des journalistes du Figaro a dénoncé, jeudi 14 janvier, le recours aux articles en faveur d’auteurs employés par le groupe de presse. Décryptage.

La photo a fait bondir Patrick Bèle, délégué SNJ [Syndicat national des journalistes] au Figaro, ce 14 janvier. En une du Figaro littéraire, le visage de sa voisine de bureau, Madeleine Meteyer. Attablée, l’autrice semble pensive. Son livre, sélectionné parmi huit premiers romans, s’appelle La Première faute (JC Lattès). À aucun moment, il n’est précisé qu’elle est journaliste au Figaro. « Même moi qui travaille à côté d’elle, j’ai eu du mal à la reconnaître, soupire-t-il. D’habitude, on fait la une sur de bonnes ventes ou un grand auteur, ce n’est même pas un cadeau pour elle ».

Entre-soi

« Depuis plusieurs mois, écrit le SNJ, nous constatons une multiplication de ces articles de promotion de (certains) journalistes du Figaro dans le quotidien ou les magazines ». Sébastien Lapaque, du Figaro littéraire, est un « coup de cœur de la rentrée » du Figaro Magazine. Il a écrit sur le grand prix du roman de l’Académie française, La Grande Épreuve, par Étienne de Montety, directeur du Figaro littéraire. D’autres journalistes de la rédaction ayant reçu un prix n’ont droit qu’à une note de lecture. De source interne, Madeleine Meteyer aurait le soutien d’Alexis Brézet [directeur de la rédaction du Figaro] dont elle saluait le « brio » dans une de ses « lettres » sur Chirac dans Le Figaro du 27 septembre 2019. « Dans une période où on a du mal à défendre la crédibilité des médias, ces autopromotions ne peuvent que renforcer cette défiance », souligne Patrick Bèle, du SNJ, qui craint qu’elles n’alimentent « le sentiment d’un entre-soi détestable et indécent ».

Du côté du quotidien rival, Le Monde, des règles de transparence s’imposent aux auteurs maison. « Pas de recension critique mais le droit de publier les bonnes feuilles depuis une dizaine d’années », résume son directeur Jérôme Fenoglio. Cela évite sans doute les louanges. Mais est-ce plus vertueux ? L’auteur Luc Bronner, directeur de la rédaction jusque fin 2020, a eu les honneurs du quotidien à travers une page de « bonnes feuilles » pour son livre sur l’histoire de Chaudun au XIXe siècle. Même traitement pour Raphaëlle Bacqué et son Richie, en 2015, ou pour Annick Cojean et son livre sur Gisèle Halimi, en 2020.

Règles fluctuantes

Que faire en cas de documentaire où les bonnes feuilles sont impossibles ? Benoît Hopquin n’a pas pu lire une ligne sur son film à propos des compagnons de la Libération. Mais les règles sont parfois fluctuantes. Un papier d’Alain Constant sur le documentaire de Mustapha Kessous, à propos du 13 novembre 2015 vécu par Daniel Psenny, a été retiré au dernier moment du système éditorial. Pourtant, le journaliste a eu droit à une recension en 2018 de son film Nous nous sommes tant aimés, avec reprise d’une interview de Kylian Mbappé. En 2016, c’était Rémy Ourdan qui voyait passer quelques lignes sur Le Siège, son film pour Arte.

Enfin, que faire des œuvres de proches ? Pour le livre de Camille Kouchner sur Olivier Duhamel, Le Monde a fait une critique positive mais a cru bon de préciser que son autrice est « compagne de Louis Dreyfus », le président du Monde. « Il ne s’est mêlé à aucun moment de l’enquête du journal, mais on a pensé que c’était mieux d’aller au bout de la logique de transparence », précise Jérôme Fenoglio.

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