Télécoms
On attendait de grandes campagnes sur les offres 5G en fin d’année pour convaincre les Français de basculer. Elles n’ont pas eu lieu. Décryptage d’une communication minimaliste.

Fidèle à ses habitudes de trublion, Xavier Niel avait marqué les esprits, mi-décembre, en se mettant en scène dans une vidéo décalée, singeant le film complotiste Hold-up. C’est bien la seule communication dont on se souvienne à propos de la 5G. Car depuis l’attribution des fréquences par l’Arcep, en novembre 2020, les opérateurs ne brillent pas dans l'expression publicitaire de leurs offres mobiles. Ni conférence de presse, ni campagnes de Noël. Rien à voir avec la 4G qui était vite devenue un terrain de bataille entre marques. « On continue de se déployer sans tambours ni trompettes », confiait mi-décembre Caroline Chaix, directrice de la communication et de la marque de Bouygues Telecom. De fait, c’est tout juste si l’opérateur avait songé à mentionner la 5G dans le billboard de sa campagne de Noël. Orange, de son côté, a fait paraître des annonces assez statutaires dans la presse.

Moratoires

Il faut dire que des éléments plaident pour une certaine discrétion. D’abord, des villes comme Bordeaux, Lille, Grenoble ou Lyon appliquent un moratoire en attendant un rapport de l'Anses au printemps. Pas la peine de les braquer alors que les groupes auront besoin d’elles pour compléter leur couverture. « On est attentif à ce que les municipalités demandent aux opérateurs. Avant de vraiment déployer, il y a des débats […]. Nous sommes respectueux de cela », a expliqué Benoît Torloting, directeur général adjoint de Bouygues Telecom fin novembre.

Cédric O, secrétaire d’État au numérique, a  rappelé que les opérateurs ne pouvaient outrepasser les demandes d’information de la mairie [DIM] , même si le Conseil d’État a reconnu que les édiles ne pouvaient s’opposer à l’installation des antennes relais. Cela n’a pas empêché SFR, comme Bouygues Telecom, d’annoncer son arrivée dans l’agglomération lyonnaise (Grégory Rabuel, directeur général de SFR, promet la 5G dans « toute la ville de Lyon et la métropole » courant 2021). Paris avance, de son côté, avec sa convention citoyenne et sa charte. La 5G arrive en banlieue parisienne avant de pouvoir espérer entrer dans la capitale en avril. Voire fin février selon Xavier Niel.

Esprit pionnier

La couverture est donc encore lacunaire. SFR compte passer de 25 % à 50 % du territoire avant la fin février. Du coup, les opérateurs communiquent surtout sur le nombre de villes où ils sont présents (160 dont 15 grosses pour Orange, 120 pour SFR, « 20 grandes villes » pour Bouygues Telecom). Ou sur leur esprit pionnier : « Nous avons été les premiers à lancer la technologie à Nice », rappelle Nicolas Chatin, dircom d’Altice France.

Free a été, lui, le dernier à s’engager dans la bataille avec « 5 255 sites actifs couvrant déjà près de 40 % de la population » sans augmentation de prix. De quoi impressionner le consommateur peu regardant. Car ce sont principalement des fréquences de 700 MHz qui lui assurent cette couverture très large. Niel espérait d’ailleurs faire un grand coup en affichant 70 % à 80 % de la population dès le départ. Mais la nécessité des DIM a modifié la donne. « Nous avons beaucoup de sites 3,5 GHz qui sont prêts, mais nous n’avons pas encore obtenu beaucoup d’autorisations », a reconnu Maxime Lombardini, vice-président d'Iliad, le 18 décembre. Et avec la demande de l’Arcep de publier des cartes différenciant les bandes utilisées (3,5 GHz, 2800 MHz, 2100 MHz ou 700 MHz), Free assurerait les huit dixièmes de sa couverture 5G avec du 700 MHz quand ce ne serait que la moitié pour SFR ou Orange. Or seule la bande des 3,5 GHz peut permettre d’apporter le débit optimal à la 5G et de sortir de la saturation des réseaux 4G, qui risquent de se dégrader au cœur des villes.

Entre l’effet d’affichage et l’efficience là où réside la demande, Orange dit avoir fait son choix en misant sur le 3,5 GHz. « On a choisi une communication cohérente avec un déploiement de la 5G en toute transparence et responsabilité, explique Laetitia Orsini-Sharps, directrice marketing des offres d'accès grand public chez Orange. On n’est pas dans la course à la couverture mais dans ce qui fait sens pour nos clients. Cela commence par les centres-villes. Il faut 80 % de la population couverte pour qu’on ouvre une ville. Et on cherche à amener quelque chose en plus qui est la qualité de l’expérience. » Des tests assurent à l’opérateur que la satisfaction du client est alors deux fois plus élevée qu’avec la 4G. Comme à SFR ou Bouygues Telecom, les tarifs sont plus élevés (+5 euros). Mais les nouvelles gammes de forfaits 5G ont été présentées en octobre avec davantage de data et des cartes Sim supplémentaires pour la connexion simultanée.

De son côté, SFR utilise le 2100 MHz pour compléter sa couverture avec une bande haute (DSL) qui permet d’atteindre jusqu’à 1 GHz dans les villes. Ne reste plus qu’à monter en charge en « com » à mesure que les smartphones 5G remplaceront les anciens. Mais chaque opérateur en est convaincu : la 5G ne sera une technologie de rupture qu’en 2023 avec le 26 GHz (internet des objets, voitures autonomes…). En attendant, pas facile de louer les bienfaits d’une téléphonie qui, au mieux, apporte au grand public un débit trois ou quatre fois plus rapide que la 4G.

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