L'ancien président Valéry Giscard d'Estaing, décédé le 2 décembre à l'âge de 94 ans, a beaucoup compté dans l’histoire de l’audiovisuel public. On lui doit l’éclatement de l’ORTF, la naissance des télévisions publiques TF1, Antenne 2 et FR3, la création de Radio France –incluant France Inter et RFI-, la Cnil et enfin de nouvelles relations entre le président, les journalistes et les médias.
La fin de l’ORTF
Après 1968, et les purges à l'Office national de la radiodiffusion télévision française (ORTF) contre les journalistes hostiles au pouvoir gaulliste, l’emprise d’Alain Juillet et Marie-France Garaud, les deux conseillers d’un Georges Pompidou malade, s’est renforcée dans le contrôle de l’information. Le président de l’ORTF, Arthur Conte, est limogé fin 1973 pour ne pas s’être montré suffisamment docile vis-à-vis de l’Elysée qui exigeait notamment le licenciement de journalistes (il est remplacé par le conseiller d’Etat Marceau Long).
Le nouveau président, élu en mai 1974, décide de mettre en œuvre une promesse de campagne, l’éclatement de l’ORTF, cet organisme d’Etat né en 1964 et voulu par le général de Gaulle. La loi du 7 août 1974 remplace donc l'Office par sept sociétés distinctes : quatre sociétés nationales de programmes (TF1, A2, FR3 et Radio France), un établissement public de diffusion (Télédiffusion de France ou TDF), la société française de production (SFP), et l'Institut national de l'audiovisuel (INA). La réforme entre en vigueur dès le 5 janvier 1975. Le nouveau chef d’Etat déclare alors que ce seront des sociétés indépendantes qui ne seront pas la « voix de la France ».
Cependant, alors que l’intersyndicale de l’ORTF avait donné un mot d’ordre de grève dès février 1974, cet éclatement va aussi permettre de licencier. Entre décembre 1974 et juin 1975, selon Sophie Bachmann (L’Eclatement de l’ORTF. La Réforme de la délivrance, L’Harmattan, 1997) 2 702 agents sont licenciés dont 160 journalistes membres du syndicat national des journalistes. A l’époque, L’ORTF compte 16.000 agents et dispose d'un buget de 2,4 milliards de francs, régulièrement en croissance.
Dès le 6 janvier, les trois chaînes commencent à émettre. Elles sont présidées par Jean-Louis Guillaud (TF1), Maurice Ulrich (Antenne 2) et Claude Contamine (FR3). Un vent de modernité souffle alors sur la télévision et la radio, avec notamment la création des émissions Le Petit rapporteur avec Jacques Martin et Pierre Desproges sur France Inter, Thalassa avec Georges Pernoud sur FR3, Apostrophes avec Bernard Pivot sur Antenne 2, les Jeux de 20 heures sur FR3, Temps X sur TF1 avec Igor et Grichka Bogdanoff, Stade 2 et Téléfoot (TF1). Du côté des programmes jeunesse, c’est l’époque de l’Ile aux Enfants (FR3 puis TF1), Dorothée et ses amis (Antenne 2) et de Récré A2.
Une nouvelle relation avec les médias
Valéry Giscard d’Estaing entendait rendre à la télévision publique sa « liberté ». Une nouvelle tutelle sur le service public s’est néanmoins imposée après le mandat interrompu de Georges Pompidou, qui avait rétabli le ministère de l’information et supprimé l’autonomie des responsables de l’information.
« Le cordon n'est pas totalement coupé », souligne l'historien des médias Christian Delporte, interrogé par l'AFP. « Le président met aux postes clés des amis, si bien qu'il n'a pas à intervenir lui-même », résume l'historien des médias, qui évoque « un nouveau système plus moderne, avec une phase de libéralisation indéniable, mais qui a des limites ». Les présidents des chaînes publiques sont toujours dépendants du gouvernement qui fait voter leur budget.
Quant à l’Elysée, il a le loisir de choisir les journalistes en cour pour interviewer le président, comme Alain Duhamel et Jean-Pierre Elkabbach. L’Elysée est aussi intervenu en mars 1979 pour protéger Christine Ockrent dont la direction d’Antenne 2 voulait se séparer après son interview de l’ancien premier ministre iranien, Amir Abbas Hoveyda, réalisée sous la contrainte dans sa prison, la veille de son exécution.
Les gouvernements de Valéry Giscard d'Estaing s'opposent par ailleurs aux radios libres, grand phénomène culturel des années 1970, et cherchent au contraire à conforter le monopole de l'Etat sur les ondes. François Mitterrand, grand adversaire de « VGE » sera même inculpé pour infraction à ce monopole, pour sa participation à Radio riposte, station pirate lancée par des socialistes en 1979.