Que signifie « être résilient » pour vous, Eric Fottorino ?
A titre personnel, cela signifie me relever après un accident. Cela a été le cas quand j’ai été débarqué du groupe Le Monde, que j’ai dirigé jusqu’en 2011. Il m’a fallu me relever comme si j’étais tombé de vélo. Cela m’a obligé à m’interroger sur ma capacité à rebondir, à me projeter dans l’avenir et à revenir à l’essentiel du métier : faire un journal, le penser, le développer…
Il faut de la résilience pour traverser cette année 2020 quand on est patron de média…
Oui, nous avons dû faire face à un danger mortel : avec la faillite de Presstalis, nous risquions de perdre les recettes de nos trois titres, le 1 Hebdo, Zadig et America. Dans ce cas, je savais que nous n’aurions pas la capacité de résister au choc. Il a fallu déployer une énergie de combat pour imposer le fait que dans un Etat de droit, nos recettes ne pouvaient pas être spoliées. Dans le même temps, il a fallu mobiliser une énergie créatrice, pour réinventer le journal en permanence et imaginer de nouveaux projets. Le psychiatre Christophe André fait une différence entre l’urgent et l’important dans nos vies quotidiennes. D’un côté, les démarches administratives, les coups de téléphones à passer. De l’autre, les moments précieux passés avec sa famille, ses amis. J’ai transposé ces principes à mon rôle d’entrepreneur des médias : l’urgent a été de tout mettre en œuvre pour éviter que ma boite coule ; l’important a été de m’interroger en permanence sur le journal que l’on avait envie de faire, des auteurs que l’on souhaitait interviewer…
Aujourd’hui vos titres de presse sont-ils sauvés ?
Nous attendons le remboursement de 700 000 euros de recettes. Quand ces sommes seront créditées sur notre compte, Le 1 Hebdo, Zadig et America seront sauvés.
Le numéro du 1 Hebdo « Voyage au cœur du complotisme » est un succès…
Oui, les ventes en kiosques sont en forte hausse (près de 22 000 contre 12 000 habituellement) et ce qu’il est intéressant de constater c’est qu’il y a un effet d’entrainement : cette semaine-là nous avons gagné près de 500 abonnés, contre une centaine habituellement.
Est-ce que vous envisagez de lancer de nouveaux de titres, au moment où America va s’arrêter ?
Comme il était prévu, nous arrêtons America le 20 janvier, mais nous réfléchissons, avec François Busnel, à le poursuivre autrement, à le faire resurgir peut-être une fois par an. Et puis en janvier sortira aussi le 3ème numéro de notre trimestriel Légende le Mag. Pour l’instant, nous n’avons pas d’autres projets.
