Finances
Si la partie est loin d’être finie, la décision du Tribunal de commerce de Paris donne à Bernard Arnault et Arnaud Lagardère un avantage décisif. Vincent Bolloré, lui, est d’ores et déjà en mesure de s’arroger une coquette plus-value.

Le communiqué de Vivendi annonçant qu’il fait appel, après la décision du Tribunal de commerce de Paris de rejeter ses demandes d’assemblée générale exceptionnelle dans Lagardère, est tombé avant même que soit connu le jugement, le 14 octobre. Le groupe contrôlé par Bolloré, qui se dit « confiant dans le bien-fondé de sa démarche », s’est ainsi empressé de signaler à la communauté financière que la bataille continuait, même s’il avait perdu une manche. Pourtant, il n’a obtenu ni la remise en cause du renouvellement anticipé – en août - du mandat d’Arnaud Lagardère, ni la reconnaissance d’un manque d’indépendance du conseil de surveillance, au cœur de son combat conjoint avec Amber. Sans attendre le résultat du jugement, Vivendi avait fait savoir, début octobre, qu’il était « en mesure » d’acquérir les parts d’Amber (19,9% de Lagardère SCA), ce qui l’amènerait à détenir 46,6% du capital du groupe et à déclencher le dépôt d’une offre publique d’achat.

« Génial acheteur »

Problème, LVMH qui détient 5% du groupe, est aussi en mesure de peser sur l’avenir de Lagardère dont il possède 27% de la holding de contrôle aux côtés d’Arnaud Lagardère. Or Bernard Arnault, qui accorde une grande importance à son groupe de médias (comme en témoigne son implication dans la nomination de Jean-Michel Salvator à la tête du Parisien) se verrait bien intégrer Europe 1, Paris Match, Le JDD et la partie « travel retail » qui complèterait parfaitement les produits de luxe qu’il a à vendre en aéroports. Il pourrait aussi accepter de céder Hachette Livre à Vivendi, actionnaire d’Editis, à moins qu’il ne décide de se développer dans l’édition où il est présent de façon minoritaire dans Gallimard-Flammarion.

Ce qui est sûr, c’est que Vincent Bolloré est aujourd’hui face à un Bernard Arnault avide d’étoffer son empire. Par nature, l’industriel breton a montré qu’il n’était pas prêt à surpayer ses proies. « C’est un génial acheteur à la baisse, constate Jean-Clément Texier, président de la Compagnie financière de communication, et qui n’aime pas qu’on lui impose un timing. Son intelligence tactique fait qu’il ne peut pas être perdant. » En d’autres termes, l’homme qui a su prendre de fortes plus-values sur Pathé, TF1 ou Aegis, sait s’arranger pour faire monter les cours d’une action. Il pourrait retirer, d’après l’expert, « 400 à 500 millions d’euros » de plus-value sur le titre Lagardère qu’il a acquis en avril, en pleine crise financière.

Reste une inconnue : l’attitude d’Arnaud Lagardère. Est-il prêt à céder le contrôle de son groupe à LVMH, comme l’entend Bernard Arnault ? Avec une dette de près de 160 millions d’euros, son intérêt est que les actions soient le plus cher possible quel que soit la part du capital qui lui sera attribuée dans le groupe en cas de débouclage de la commandite. Il peut donc avoir intérêt, comme Vincent Bolloré, à faire durer longtemps un match dont il est le seul à pouvoir sonner la fin – et à condition que la rentabilité du groupe ne s’érode pas trop. Ce à quoi il faut ajouter une dimension psychologique : « le combat de sa vie est de ne pas décrocher », relève Jean-Clément Texier.

 

 

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