Les foyers français ne verront bientôt plus forcément les mêmes publicités à la télévision, selon qu’ils résident à Lyon ou à Laval, qu’ils habitent un appartement ou une maison, ou qu’ils comptent ou non des enfants. Avec la publication le 5 août du décret portant modification du régime de publicité télévisée, les chaînes sont autorisées à diffuser des messages publicitaires différents selon la localisation du foyer, sa typologie ou ses centres d’intérêt. Seules restrictions : l'annonceur ne peut pas indiquer l’adresse de ses points de vente et la publicité segmentée ne doit pas excéder deux minutes par heure en moyenne quotidienne, six minutes par heure d’horloge.
« La publicité segmentée ouvre la porte à de nouveaux annonceurs puisqu’elle a un ticket d’entrée plus abordable », explique Philippe Boscher, directeur adjoint marketing digital à TF1 Pub. « Pour les clients TV actuels, c’est aussi une nouvelle opportunité pour réduire la déperdition et sophistiquer le ciblage », renchérit Thomas Luisetti, directeur de la stratégie numérique et de l’innovation technologique à FranceTV Publicité. Pour autant, rappelle Eva Respaut, directrice marketing de l'innovation et de la communication chez M6 Publicité, « il ne s’agira pas de faire de l’ultra-ciblage, la télévision reste un média de masse. »
Campagnes pilotes en octobre
Pour l’heure, les régies télé s’activent en coulisses pour être prêtes au plus vite. Première priorité : conclure des accords avec les fournisseurs d’accès à internet (FAI) au sujet du partage de la data des box, par lesquelles une majorité de Français reçoit la télévision. Pour l’instant, seule FranceTV Publicité a conclu de tels accords, avec Orange et Bouygues Telecom, ce qui va lui permettre de déployer de premières campagnes pilotes dès le mois d’octobre.
Le syndicat national de la publicité télévisée (SNPTV) et l’Association française du multimédia mobile (AFMM), qui regroupe les principaux FAI, se sont également mis d’accord sur un premier déploiement à grande échelle (MVP, minimum viable product) début 2021, pour une durée de six à neuf mois. Pour maîtriser la montée en charge côté opérateurs, le peak time (19h-23h) ne sera pas concerné durant cette phase et un seul spot par écran publicitaire pourra être adressé. Pour être concernés, les Français devront également avoir une box ou un téléviseur suffisamment récent et donner leur accord pour recevoir des publicités ciblées (opt-in). « Au départ, on estime que 15% des foyers français seront éligibles au décrochage », chiffre Philippe Boscher. « Le principal enjeu pour nous sera le maintien du niveau de qualité de diffusion audio et vidéo. La substitution ne doit pas se voir pour l’utilisateur », insiste Eva Respaut.
Le sujet de la publicité segmentée devrait, en tout cas, figurer en bonne place dans les conditions générales de vente (CGV) que les régies télé publieront pour 2021 le 13 octobre prochain. Dans les pays où cette forme de publicité est déjà bien installée (Royaume-Uni, États-Unis, Belgique), elle représente déjà 5% à 10% des revenus publicitaires de la télé.