Communication
Les rappeurs sont partout même là où l'on s'y attend le moins. En plus d'avoir réinventé l'auto-promotion à travers les réseaux sociaux, ils se lancent désormais dans la vente de leur propre image dans des documentaires.

Depuis 2007, le rap français s’est réinventé et a su imposer son «beat». Comme un goût de revanche : les rappeurs ont longtemps été boudés par les médias mainstream, qui se battent désormais pour les avoir en couv’ ou sur leurs plateaux. Pas étonnant, quand on voit que le rap est devenu en quelques années le genre le plus streamé en France. La fin d'un malentendu ? «Les rappeurs ne voyaient pas l’intérêt d’aller sur un plateau télé, ils n'y étaient pas forcément bien accueillis et ce médium ne représente pas leur cible. Dans une interview donnée à Yard, Soso Maness explique pourquoi il a refusé de parler à BFM : les chaînes ont pris la mauvaise habitude de cracher sur le rap, la banlieue, les rappeurs n’ont plus envie de se battre», avance Lenny Sorbé, rédacteur pour le média Yard.

Rap game

Au vu des chiffres - impressionnants - du rap game, les médias ne peuvent plus faire la sourde oreille. L’année dernière à la même époque, dans le top 20 des albums les plus vendus relevé par le syndicat national de l'édition phonographique (SNEP), onze correspondaient aux catégories des musiques urbaines, incluant le rap et le RnB. Plus largement, sur les 200 meilleures ventes d'album, 40 % sont des disques français de musiques urbaines. Même le titre le plus streamé est un morceau de rap signé PNL, Au DD avec plus de 54 millions d’écoutes. «Tout le monde se sent obligé de parler de rap, les chiffres sont concordants avec les nouveaux modes de consommation. Le streaming domine, comme le rap», traduit Lenny Sorbé. La tendance s’est inversée et les rappeurs sont désormais les rois. Augustin Trapenard accueille Booba sur France Inter, et y fait une énumération de ses ventes, Sofiane envahit le plateau d'Ardisson avec son équipe… Des scènes impensables il y a encore quelques années. 

Durant cette période de désamour, il a bien fallu que ces artistes communiquent sur leurs nouveautés. C’est pourquoi ils l'ont fait avec les moyens du bord, notamment les réseaux sociaux. «Il est clair que les rappeurs ont réinventé la manière de communiquer avec le public. Les réseaux sociaux restent leur principal outil et ce, depuis un moment, mais avec l’arrivée de nouveaux concurrents, on voit de nouveaux usages notamment sur TikTok. L’artiste Wejdene a émergé grâce à TikTok : en seulement quelques semaines, tout le monde connaissait son morceau», lance Florian Lecerf, fondateur de 135 média, agence de communication dans le rap. En plus de garder le lien avec leur communauté, ils lui lancent des challenges à coup de photos dans un studio, de live teasing ou d’hologrammes dans Paris. La course à celui qui fera le plus gros coup de com est lancée. 

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Documentaires et web séries 

Autre phénomène qui a le vent en poupe chez les rappeurs : la création de documentaires. Telle une autobiographie, les plus gros artistes se permettent des écarts promotionnels. Un des premiers à avoir initié le mouvement était Soprano. En 2018, il sort un documentaire à destination de la télé car son aura de rappeur «acceptable» le permettait. Quant à RK, plus petit dans le milieu, il avait créé sa propre web série qui avait cartonné, comptabilisant 1 million de vues par épisode. Dans un autre style, en 2019, Nekfeu sort son documentaire Les Étoiles vagabondes, d’abord visible en diffusion unique au cinéma - 100 000 personnes ont fait le déplacement - puis sorti sur la plateforme Netflix. Ce long-métrage retrace les épreuves de l’artiste dans l’écriture de son album du même nom. Carton plein. En début d’année 2020, c’est au tour de Lomepal de sortir sur sa chaîne YouTube un documentaire intitulé Regarde-moi. Il retrace sa vie depuis la sortie de son premier album studio Flip.

Moins surprenant, le duo PNL vient tout juste de sortir son propre long-métrage Dans la légende, également disponible sur Netflix. La caméra suit les deux artistes sur leurs plus grandes scènes françaises. «Pour faire parler de leur musique, PNL se sont pris au jeu. Mais en soi, ils sont tellement influents qu’ils n’ont même plus besoin de ça. Il suffit d’un tweet pour que tout le monde se creuse la tête et se rue sur les plateformes de streaming. Ça les fait kiffer de créer des nouveaux contenus qui se transforment à leur insu en événement. C’est presque moins une démarche promotionnelle qu’un prolongement de l’artiste. C’est du donnant-donnant, ce qu’ils peuvent offrir à leurs auditeurs, ils le font comme un remerciement», analyse Lenny Sorbé. Maître Gims serait également en préparation d’un documentaire. «Même si la production de documentaire est nouvelle, elle restera de niche, tous les rappeurs ne peuvent pas se le permettre financièrement», tempère Florian Lecerf. 

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Autre succès non prévisible, la série Validé. Créée par Franck Gastambide, cette série suit le parcours d’un rappeur en mal de succès qui aimerait se faire «valider» par le milieu. Le rôle principal est interprété par Hatik, un rappeur qui, dans la vraie vie, est lui aussi en pleine ascension. Les rappeurs Bosh et Sam’s font également partie du casting. Il en va de même en ce qui concerne les participations pour la bande-son. Cette création originale de Canal+ plonge le spectateur dans un milieu encore jamais vu dans la fiction française : le rap. «Le succès de Validé, de plus, en télé, témoigne du regain d’intérêt pour tout ce qui touche au rap», conclut Florian Lecerf. Et risque d’inciter plus d’un rappeur à tourner sa propre série…

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