Pas facile de suivre une génération « mobile first » et même « mobile only » pour les plus jeunes. Leur consommation de médias est en baisse : 63 % des 25-34 ans regardent quotidiennement la télévision en direct ou en replay, selon Médiamétrie. Ils étaient 77 % en 2014. Chez les seuls 15-24 ans, ce chiffre tombe à 38 %, alors qu'ils étaient 54 % en 2014. Leur durée d’écoute est en érosion et le phénomène est le même pour la radio. « On parle de délinéarisation des contenus, souligne Jonathan Simon, planneur stratégique chez Havas Media. La génération Y est adepte des plateformes - Netflix, Molotov, Spotify… Ils continuent à s’informer mais sur de nouveaux formats comme Brut. » Si Netflix rechigne à communiquer sur ses segments d’audiences, le succès et la mise en production de séries destinées aux ados comme Sex Education, Elite ou 13 Reasons Why sont éloquents.
De nouveaux espaces publicitaires
« Du point de vue des marques, le rapport avec les consommateurs est inversé, analyse Anne-Laure Boisson, directrice Insights à l’agence média Vizeum. Avant, elles visaient une cible dans une relation verticale, aujourd’hui elles cherchent à aller à la rencontre des gens, à entrer en contact sur des sujets qui les engagent. Les plateformes comme Fortnite, TikTok ou Deliveroo sont devenues de nouveaux espaces publicitaires. Pour les éditeurs, il faut créer un écosystème, avec des formats courts, relayables sur les réseaux sociaux, avec lesquels on peut interagir. » France Télévisions a par exemple créé la plateforme Slash avec du contenu dédié dont la série Skam, qui suit le quotidien d’adolescents. Chaque personnage a son propre compte Instagram, mis à jour en fonction des avancées de l’intrigue, et des informations sont postées sur Facebook en amont de la diffusion des épisodes. Le programme revendique 70 millions de vues pour les quatre premières saisons.
Pour coller aux centres d’intérêt des 18-30 ans, 20 Minutes a créé #MoiJeune, « le selfie de la jeune génération ». Chaque semaine, avec OpinionWay, le média interroge sur mobile 4 000 membres de sa communauté sur différents thèmes (argent, sexe, loisirs, actualité...). Les résultats sont une mine d’informations pour les annonceurs, mais aussi pour la rédaction, qui peut ainsi affiner sa connaissance de certains sujets. C’est ainsi que le quotidien gratuit a pu remonter qu’un tiers des jeunes de 18 à 30 ans avait été exposé à du porno à 12 ans. Ou que six membres du panel ont pu interviewer la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, en avril dernier.
Une trentaine de médias sur Snapchat
Autre façon de s'adresser à coup sûr aux millennials : investir sur Snapchat, où 90 % des 13-24 ans ont un compte. Ainsi Adam, lycéen de 15 ans, a appris l’existence des incendies en Amazonie en lisant Le Monde. Pas la version papier du quotidien de référence mais sa chaîne Discover sur Snapchat. Sur cette plateforme utilisée en priorité comme messagerie par les adolescents, une trentaine de médias sélectionnés pour ne pas se faire concurrence ont créé leur chaîne Discover (Vogue, Paris Match, Society, Webedia, M6, Topito, Konbini…). Certains y proposent même des programmes, « Shows », comme une chaîne de télé.
Venue témoigner dans les locaux de Snapchat France début septembre, Séverine Peraud, web éditrice de Cosmopolitan.fr, a expliqué avoir créé une équipe de cinq personnes, journalistes et motion designers. « Nous avons été surpris de la puissance de la plateforme, a-t-elle affirmé. Nous avons 7 millions de visiteurs uniques par mois en moyenne. Nous n’étions pas sûrs d’y trouver notre coeur de cible, mais nous avons 71 % de femmes de 18 à 34 ans. Pour nous, c’est un laboratoire vidéo avec de nouveaux formats verticaux, un laboratoire éditorial avec un contenu spécifique et même un laboratoire de recrutements. Pour toucher les millennials avec du contenu vidéo et du motion design, c’est la meilleure plateforme. » L’application se revendique comme la plus consultée de France avec 56,3 % des 15-34 ans français qui se connectent chaque jour.
De son côté, Melty, média des millennials également présent sur Snapchat, vient de s’associer avec l'agence FF Paris pour créer une offre commune incluant la stratégie, la création, la production et l’activation en direction des 15-34 ans. À l’occasion du déménagement de la première dans les locaux de la seconde, l’idée d’une synergie de compétences s’est imposée naturellement. « Le but est d’entrer en résonance culturelle avec une population très exigeante et très infidèle, précise Séverine Autret, directrice générale de FF Paris. Les marques ont du mal à être audibles et crédibles auprès d’elle, c’est pourquoi il y a du sens à allier une stratégie de marque sur le long terme et des idées créatives fortes avec l’expertise d’un média qui est exposé tous les jours à cette cible. »
Les influenceurs de la famille
Ancienne de 20 Minutes et Konbini, Christine Turk, chief operating officer de Melty, connaît bien les ressorts de cette population : « On parle à des passionnés d’entertainment, pour qui la sortie d’un jeu vidéo est plus importante que la prochaine élection. Cela influence aussi bien la publicité, qui doit être produite différemment, que notre ligne éditoriale. La rédaction est elle-même composée de ce public et pense ses sujets en fonction de ses passions. On se pose d’ailleurs la question de savoir comment traiter les prochaines municipales, et même si c’est une attente de nos lecteurs. Une chose est sûre, le fond est indissociable de la forme, que ce soit un article écrit sur notre site, un gif sur TikTok, une vidéo sur YouTube ou du motion design sur Instagram. » La spécialiste désigne les millennials comme « la génération la plus influente » et les adolescents comme « les influenceurs de la famille ». Ce qui n’empêche pas Adam, cité plus haut, de s’informer à l’occasion en regardant le journal de 20h de France 2.
Chiffres clés
4. Nombre d'heures que les 15-34 ans passent par jour sur leur smartphone, pour 120 consultations quotidiennes.
3h25. Nombre d'heures de vidéos que les 12-24 ans regardent en moyenne par jour, 2h30 pour les 25-37 ans.
Source : Melty-FF