On louait les vertus du texte ; l'entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données (RGPD) le 25 mai dernier a mis le marché sous tension. Dès la mi-mai, certains éditeurs révélait un vrai retard quand d’autres déversaient une avalanche de réactualisations de leurs conditions d'utilisation. « Avec un consommateur saturé qui n’a rapidement plus eu la patience d’exprimer un consentement réel, le marché a finalement fait l’inverse de ce que prônait la loi », estime Michaël Froment, président de Commanders Act, société experte en tags et data management.
L’après 25 mai a davantage ressemblé au début d’une phase d’ajustement, sous l’œil bienveillant autant qu’averti de la Cnil. Pour Cédric Vandervynckt, vice-président EMEA de Criteo, « cette période de grâce va maintenant permettre à chacun de peaufiner les derniers détails. Et si des retards se sont accumulés, les efforts fournis ces derniers mois restent un bon signe. »
DBM Gate
Plusieurs chantiers sont pourtant loin d’être réglés, en particulier celui de l’hégémonie des Gafa. L’épisode du « DBM Gate » [DBM pour DoubleClick Bid Manager] l’a rappelé à tous. En application de la loi, la plateforme d'achat programmatique de Google a refusé dès le 25 mai, et sans préavis, toute data dont la conformité ne pouvait être déchiffrée par son système. Conséquence, une baisse massive du chiffre d’affaires, l’arrêt net de certaines campagnes et la preuve de la dépendance à Google de tout l’écosystème. Et le texte pourrait encore aggraver les choses. « Les consommateurs sont devenus dépendants de la valeur servicielle des Gafa, qui parviendront, de fait, à collecter leur consentement plus facilement. Cela peut créer un décalage important », souligne Michaël Froment.
Lettre ouverte
Parce que le déséquilibre n’est plus supportable, l’Udecam, le Geste, le SRI, et l’IAB France ont adressé mi-juin une lettre ouverte au groupe américain l'invitant à travailler avec le marché. Beaucoup espèrent d’ailleurs l’adhésion du géant au Transparency and Consent Framework, plateforme de gestion des consentements et de communication entre tiers créée par l’IAB Europe.
Ce consensus pourrait permettre à chacun de se concentrer sur d’autres sujets soulevés par le règlement, comme la variation des actifs data. À écouter Cédric Vandervynckt, le big bang n’a pour l’instant pas eu lieu : « Nous n’avons pas constaté d’amoindrissement de la quantité disponible de données comportementales. » Celui-ci viendra sans doute, évacuant les lots de données douteuses et provoquant une légère déperdition en termes de granularité. Mais pour Paul-Antoine Strullu, vice-président Europe du Sud d'AppNexus, loin d’altérer les possibilité de ciblage, « la rareté, en augmentant le coût du CPM, pourrait revaloriser l’image programmatique, encore trop associée aux invendus. C’est intéressant en termes de valeur pour les éditeurs. »