RGPD
Après une décision unilatérale de la part de Google d’appliquer de manière stricte le RGPD et les recommandations de l’IAB, certaines régies ont perdu, en quelques heures, 50% de leurs revenus. Tout le monde s’inquiète.

Il aura fallu à peine trois heures pour que le monde du programmatique s’affole. Le vendredi 25 mai, jour d’application du RGPD, la terre a tremblé au pays de la pub en ligne. Une décision prise à l’autre bout de l’Atlantique, dans les bureaux de Google à Mountain View, est venue damner la bonhomie de tout le monde. Le problème?

Le RGPD demandait à chaque entreprise de bien avoir l’accord explicite des internautes pour utiliser leurs données personnelles. Et ce, à des fins administratives. Chacun avait donc revu ses mentions légales, et demandé aux intéressés des autorisations en bonne et due forme. Mais le bureau de l’IAB, le 25 avril, lance un pavé dans la mare, et impose un «framework», sorte de bonnes pratiques normalisées, qui impose un logiciel de gestion du consentement des internautes (CMP), dépassant ainsi le cadre administratif de la chose, et permettant à tous les acteurs de la publicité en ligne de communiquer entre eux l’état des consentements d’un internaute.

L'effet DBM de Google

«L’IAB a sûrement voulu anticiper la loi ePrivacy, encore en discussion dans les parlements en Europe, beaucoup plus restrictive sur le consentement des internautes», explique Jérémy Parola, directeur des activités numériques pour le groupe Reworld Media. Toujours est-il que Google a décidé d’avoir une application stricte de ce règlement via sa solution programmatique DoubleClick Bid Manager [DBM], et d’interdire l’achat d’espace numérique à tous les acteurs, pour des internautes dont il n’est pas sûr d’avoir le consentement. (Techniquement parlant, DBM interdit l’intégration de pixel tiers dans des créations destinées à un inventaire non Google.) Le souci? «Le CMP [Consent management platform] de Google n’est pas interopérable avec les autres. Donc des acteurs qui avaient pourtant le consentement des internautes ont été coupés!», explique Sylvia Tassan Toffola, présidente du SRI. Il n’arrivait pas à le lire. Résultat, des pertes sèches pour les médias et pour tous les acteurs non équipés Google. DBM, avec 25% du marché programmatique, a coupé plus de 50 % du business de certains SSP [Sell Side Platform]. Le nombre d’enchères diminue, et le CPM [Coût pour mille] d’autant, privant les médias des revenus du programmatique. «Le marché se redirige alors soit vers d’autres acteurs compatibles Google, mais cela demande du temps, soit vers des échanges de gré à gré», explique Aurore Domont, présidente de la régie du groupe Figaro, Media.Figaro, dont l’impact a été réduite grâce à cela.

Google met en place une «white list»

«Certes, Google a très vite réagi, et nous avons très bien pu dialoguer avec eux, raconte Sylvia Tassan Toffola. Ils ont mis en place un système de “white list” permettant de retravailler avec certains acteurs.» Seulement certains… «Les plus gros, ou notamment les américains comme AppNexus. Mais une semaine plus tard, la situation n’était toujours pas réglée pour un bon nombre de sociétés» raconte un patron de régie. Un manque de chiffre d’affaires catastrophique! «Le geste reste très inquiétant, admet Aurore Domont. Nous sommes dans une situation où une simple décision à l’autre bout de la planète peut avoir un impact sur tout un pan de l’économie numérique.» Car même Google France n’était pas au courant de cette décision. De quoi interroger sérieusement notre dépendance numérique et programmatique à l’égard des géants. Google a toutefois annoncé adhérer au Framework de l’IAB. Mais techniquement, seulement en août prochain.

 

Lire aussi : La lettre ouverte à Google co-signée par l'UDA, l'UDECAM, le SRI, le GESTE et l'IAB France

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