Canal+ va-t-il bénéficier indirectement de la télévision connectée, qui ne concerne encore que 300 000 personnes en France, selon France Télévisions? Dans ses relations avec l'Autorité de la concurrence, qui doit se prononcer les 20 et 24 juillet sur le rachat de Direct 8 et de Direct Star et sur la fusion de Canalsat-TPS, le groupe a toujours argué d'un marché pertinent plus large que la TNT, le câble ou le satellite.
L'arrivée dans la télévision de Google, qui a signé des accords avec ABC, Sony Studios, Disney et Paramount, et lance ce jeudi sa tablette Nexus 7 (à 199 dollars), lui donne des arguments. Après Netflix, Canal+ ne voit-il pas se matérialiser la rivalité de géants de l'Internet dans la télévision payante?
Bruno Lasserre, président de l'Autorité, semble avoir été sensible à ce discours. Une scission entre Canalsat et Canal+, a-t-il estimé lundi 9 juillet, "casserait l'intégration verticale qui, certes, peut produire des effets anticoncurrentiels, mais est aussi bénéfique et compatible avec la logique industrielle de la télévision payante".
Le gendarme de la concurrence va sans doute exiger des dispositions fermes du groupe concernant la distribution des chaînes. Pas question, par exemple, qu'il confisque à son profit l'essentiel des exclusivités ou qu'il favorise ses propres chaînes. La plate-forme de Canal+ en est consciente, un accord de six ans avec l'Association des chaînes du câble et du satellite vient ainsi d'être signé. Il prévoit de verser «au moins 55%» de sa redevance à des chaînes dont Canal+ n'est pas actionnaire.
Quant à l'autodistribution, qui permet au groupe à péage d'avoir la maîtrise de ses abonnés à la place des fournisseurs d'accès à Internet, elle ne devrait pas être remise en cause: la contribution de Canal + au cinéma est calculée en fonction d'un chiffre d'affaires incluant les revenus de cette distribution par le groupe de ses propres chaînes.
Ce serait une autre victoire pour Canal+, la part de marché dans l'ADSL (34,5%) dépassant depuis peu celle du câble et du satellite réunis, selon Mediamétrie. Mais le groupe craint encore d'être obligé de restreindre au seul satellite l'acquisition de ses droits.
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui devrait se prononcer dans la foulée à la fin juillet, souhaiterait que la création originale de la chaîne cryptée (Braquo, Borgia...) puisse être rediffusée par ses concurrents. Canal+ s'y est jusqu'à présent refusé. Concernant les chaînes gratuites, l'Autorité veut s'assurer que le groupe ne réservera pas à Direct 8 le catalogue de Studio Canal.
Et surtout qu'il ne s'appuiera pas sur sa position forte dans les achats de droits en TV payante (sport, films et séries) pour préempter les œuvres les plus attractives pour ses chaînes gratuites. Pas sûr que la promesse de limiter à deux studios américains ses accords sur l'acquisition de droits conjoints suffira...