«Je vous ai prépare un petit graph…» C'est devenu le gimmick, redouté par les candidats soumis à la question dans l'émission Des paroles et des actes sur France 2. Jusque là surtout connu des journalistes économiques, directeur de la rédaction de la très pointue BFM Business, il s'est imposé comme la révélation médiatique lors de la campagne présidentielle parmi les interviewers.
La consécration d'un style: la voix grave et calme, le ton posé, le sourcil levé en cas de doute et un goût prononcé pour les chiffres précis, accompagné d'infographies présentées aux candidats, à l'écran. Le «fact-checking» par les chiffres.
Le 6 mars dernier, la statistique comparée de l'évolution du chômage entre l'Allemagne et la France a le don d'agacer Nicolas Sarkozy. Tout comme François Hollande, dans l'émission du 15 mars, face au comparatif entre le plan de comblement du déficit proposé dans son projet, basé sur des hausses des impôts, et ceux menés en Espagne et au Royaume-Uni. Sa Bible? «Les chiffres de l'OCDE, martèle-t-il au fil des émissions. La réalité des chiffres, issus d'une source incontestable, qui permettent d'aller contre une idée reçue. Et pédagogiques pour le grand public», explique-t-il, les pieds sur son bureau, où sont éparpillés dossiers, livres et titres de presse économique. Car il a su parler finances sans faire ployer l'Audimat. Pourtant, il était novice à la télévision. Et plutôt un homme de lettres: «Le chiffre n'était pas vraiment son domaine, il a beaucoup bossé pour faire ressortir une information économique très dense», confie Jean-Marc Vittori, éditorialiste aux Echos.
L'intérêt des Français pour l'économie
Assurément, une consécration pour ce journaliste de presse écrite. Ce littéraire de formation, diplômé en lettres modernes et en philosophie, a fait ses gammes huit ans à L'Expansion, où il a fini directeur adjoint, avant de prendre la direction de la rédaction d'Enjeux-les Echos. «Il l'a transformé en magazine de réflexion, avec une originalité des angles, de la sociologie, de l'histoire économique», salue Erik Izraelewicz, directeur du Monde. Entretemps, prémonitoire, il promet la fin de l'ère libérale dans La Crise des années 30 est devant nous. D'ailleurs, il en écrit déjà la suite, Les Eclipses de la mondialisation.
En 2008, il claque la porte du mensuel, après un clash avec Nicolas Beytout, à la suite du rachat des Echos par LVMH, et rejoint La Tribune. Il succède à Erik Izraelewicz à la tête de la rédaction en juillet 2010. En mai 2011, nouveau clash, il quitte le quotidien. Certains lui reprocheront d'être parti un peu vite d'un navire en difficulté, tout en se ralliant rapidement à l'équipe d'Alain Weill dans la sphère BFM.
Certes, l'économie s'est imposée dans le débat lié aux présidentielles. «Il ne faut pas être dupe de l'outrance médiatique. Mais il y a un intérêt croissant des Français pour l'économie: ma caissière me parle du triple A», souligne-t-il, (faux?) modeste. La présence du directeur de la rédaction de BFM Business, salarié d'une chaîne privée, comme chroniqueur sur une chaîne du service public a fait débat. N'empêche, «cela palliait peut-être un manque en sciences économiques en télévision, où la forme l'emporte trop sur le fond», soupire un observateur.
Et maintenant? Après avoir décroché une chronique économique dans Le Point, il sera dans les prochaines éditions de Des Paroles et des actes cet automne, selon France 2. Alors qu'il viendrait de renouveler son contrat à BFM Business, la rumeur le verrait bien rejoindre Les Echos comme directeur de la rédaction. Il dément. Sans pour autant nier, sourire aux lèvres, avoir été courtisé par d'autres rédactions.
Son parcours en bref
1986. Enseignant à l'université de Shanghai.
1998. Directeur adjoint de L'Expansion.
2000. Directeur de la rédaction d'Enjeux-les Echos.
2007. Sortie de La Crise des années 30 est devant nous (Perrin).
Septembre 2008. Rédacteur en chef puis directeur de la rédaction de La Tribune.
2011. Directeur de la rédaction de BFM Business.
29 janvier 2012. Interview commune de Nicolas Sarkozy à l'Elysée.