Ernesto Mauri ne décolère pas. «La manière dont la situation est présentée est incorrecte et injuste, elle donne de Mondadori l'image d'un éditeur irresponsable qui quitte le navire», confie-t-il à Stratégies. Le 9 janvier, le président de Mondadori France a vu son groupe perdre une manche contre Presstalis (ex-NMPP): le tribunal de commerce de Nanterre a donné raison aux messageries, dans le contentieux qui l'opposait à l'éditeur.
Le juge des référés a en effet estimé que Mondadori a été trop prompt à transférer trois de ses titres (Grazia, Top santé et Biba) chez les Messageries lyonnaises de presse (MLP), concurrentes de Presstalis. L'éditeur aurait dû, selon le tribunal de Nanterre, attendre l'avis de l'Autorité de la régulation de la distribution de la presse (ARDP), qui devrait intervenir d'ici au 15 janvier.
Le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) avait voté le 22 décembre dernier un gel des transferts de titres entre messageries pendant neuf mois. Le temps nécessaire à Presstalis, financièrement fragilisée (15 millions d'euros de pertes en 2010), sur fond de baisse des ventes en kiosques (estimée à 6% pour 2011), de mettre en œuvre plus avant son plan de restructuration, adopté le 15 décembre. Les messageries ambitionnent, avec la mise en œuvre de ce plan stratégique, de réaliser 25 à 30 millions d'économies en 2012.
«Nous avons besoin de calme pour refondre la filière. Une période de six à sept mois est nécessaire afin d'étudier les différentes pistes en profondeur, explique Hubert Chicou, le président de la coopérative de distribution des magazines (Presstalis) et directeur général de Bayard. Ensuite, les éditeurs retrouveront leur liberté», ajoute-t-il.
L'hémorragie pourra-t-elle être évitée? Le Point a déjà, à la mi-décembre, annoncé son intention de quitter Presstalis pour les MLP, par mesure d'économie. «Nous avions déjà étudié ce changement il y a un an, confiait alors à Stratégies Jean-François Hattier, directeur général adjoint au marketing client et développement. Mais nous avions décidé de différer notre décision à la fin 2011.» Ce transfert, qui devait être effectif en mars, se trouve du coup gelé, tout comme celui des titres du groupe Marie Claire.
Une péréquation contestée
Aux MLP, on confie à mots à peine couverts que d'autres éditeurs sont tentés de franchir le pas. «De nombreux éditeurs sont dans une situation comparable à celle de Mondadori», lâche Patrick André, directeur délégué des messageries, qui pèsent aujourd'hui 25% de la distribution de la presse en France. Ce dernier dénonce «la scénarisation d'une situation dramatique par Presstalis» afin d'«aboutir à un texte réglementaire qui abolit toute concurrence».
Depuis le 2 janvier, les MLP distribuent les magazines de Mondadori. Et elles devraient continuer à le faire dans les semaines à venir. «Je vais faire appel de la décision du tribunal de Nanterre, annonce Ernesto Mauri. Grazia, Top santé et Biba continuent à être distribués par les MLP.»
La situation n'a sans doute jamais été aussi tendue entre les deux messageries, avec, pour autre pomme de discorde, la question des quotidiens. En cause, la mise en place par le CSMP d'une péréquation intercoopératives des charges liées à la distribution des titres de presse quotidienne. «On fait payer la facture de la distribution aux MLP», s'indigne Patrick André. Du coup, les MLP ont proposé, le 3 janvier, d'assurer elles-mêmes la distribution des quotidiens nationaux, dans une lettre adressée au Premier ministre. Bravade? «Même si la distribution des quotidiens est plus onéreuse à la base, elle permet aussi de structurer les coûts et de réaliser, in fine, des économies d'échelle», estime Patrick André.
Prochaine étape: l'avis de l'Autorité de régulation, qui tranchera, avant le 15 janvier, sur les dossiers brûlants des transferts de titres et de partage de coûts de distribution des quotidiens. Et relancera, peut-être, ce duel entre messageries.