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Un photographe de mode lance Red Collector, semestriel ultra haut de gamme qui réinterprète les univers des maisons de luxe.

De son enfance à Venise, Luigi Di Donna garde de vivaces images. Les chats qui, par milliers, peuplent les ruelles. Les histoires contées par les vieux Vénitiens, dans la lumière cramoisie du Caffè Florian. La splendeur de palais méconnus, tel La Scuola Grande di San Marco, l'hôpital municipal de la cité. Et surtout l'écarlate de Venise, parure des dignitaires d'antan, dont les éclats vermillon enflamment encore aujourd'hui le Carnaval, dont Luigi Di Donna est l'un des photographes officiels.

 

«Les lignes rouges, le fait de flirter ou non avec elles, ont déterminé ma vie», explique cet acteur reconnu de la photographie de mode. Naturellement, le carmin prédomine, y compris dans le titre, tout au long des pages de Red Collector, revue semestrielle consacrée au luxe, à la mode, au design et à l'art. Presque trois kilos de papier «mat et vernis, afin de ne pas y laisser de traces de doigts», précise-t-il.

 

À l'origine, une amère constatation. «Lorsque je me rendais dans les bureaux de presse, je m'apercevais que l'on n'y découpait que quelques articles et que le sol y était jonché de dizaines de magazines qui allaient directement à la poubelle, raconte le photographe. J'ai voulu créer un bel objet, à la durée de vie longue, que l'on garde dans sa bibliothèque.Le format carré s'inspire d'ailleurs de l'aspect collector des pochettes de 33 tours», dit-il.

 

Tapis rouge: c'est par cette rubrique que démarre chaque numéro. Le premier, sorti cet été à 1 000 exemplaires, offrait son ouverture à Jean-Paul Gaultier. La seconde livraison, cette fois-ci mise en place à 40 000 copies dans les librairies spécialisées et les musées parisiens depuis fin novembre 2011, à 30 euros le numéro, consacre son ouverture à Gucci.

 

«Leur collection m'avait plu, explique le photographe. J'ai voulu créer une série autour de l'érotisme et des fantasmes féminins.» Des femmes fatales gainées de soie et de cuir croisent et décroisent leurs jambes dans une série qui rappellent le porno chic, dont Gucci fut, un temps, le héraut.

 

Luigi Di Donna fait appel à des artistes ou à des photographes pour donner leur interprétation de marques comme Roche Bobois, Diptyque ou Hennessy. «Je veux revenir aux traditions des grandes maisons de luxe. Dans le prochain numéro, Patek Philippe me propose, par exemple, de visiter son musée à Genève», résume-t-il.

 

Pour autant, le photographe se refuse à parler de publicité. «Je ne veux pas parler d'argent», lâche-t-il. Trop vulgaire? «Non, je ne suis pas opposé à la publicité, mais je ne fais pas ce magazine pour les annonceurs et je veux choisir les annonces qui se marient au mieux avec le journal.»

 

Format «king size», publicités exclusives pour les marques de luxe... Le concept fait penser à celui d'Égoïste, ce très chic magazine édité par la flamboyante Nicole Wisniak, qui ne sort que tous les cinq ans. «Égoïste est plus littéraire, estime Luigi Di Donna. Ma démarche est différente. Je suis italien, je suis donc très baroque, et je m'attache aussi bien à parler de 3D que d'œuvres caritatives.»

 

Cent mille euros sont nécessaires pour réaliser la revue. Avec quelques débords. «Pour ce numéro, nous avions réalisé quatre cents pages, mais nous n'en avons gardé que trois cents, sans quoi Red Collector eût été trop lourd. Nous avons notamment shooté une série mettant en scène des ours que nous publierons peut-être dans le prochain, ou peut-être pas.» Décidément baroque.

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