L'action d'une des principales banques françaises perd plus de 20% en une seule journée, celle d'un grand nom du high-tech bondit de 15% durant la séance… En ces temps de crise économique et de Yo-Yo boursier, une information financière ou, pis, une rumeur peut suffire à faire basculer un cours. De quoi placer dans une position délicate les journalistes, détenteurs de nombreux renseignements. D'où l'importance des chartes déontologiques et autres codes de bonne conduite qui régissent leur travail.
Un journaliste est-il, par exemple, autorisé à posséder des actions d'entreprises cotées dont il couvre le secteur d'activités sans risquer le délit d'initié? Peut-il participer à des conventions ou faire des «ménages» pour des entreprises privées sans risquer un conflit d'intérêt? À chaque rédaction ses limites. «La presse économique est sans doute plus vigilante que les autres sur ces questions, car elle est plus exposée», estime Jean-Marie Charon, chercheur au CNRS et chargé, en 1999, d'un rapport sur la déontologie de l'information.
Dans la charte éthique des Échos, les journalistes «s'interdisent d'écrire à propos d'entreprises dans lesquelles eux-mêmes ou leurs proches détiennent des participations significatives. Et il est recommandé aux journalistes détenant un portefeuille de valeurs mobilières de mettre en place un mandat de gestion.»
Même chose dans la Charte d'indépendance et de déontologie de La Tribune, qui «recommande» aussi aux journalistes «de ne pas recourir à la gestion directe d'un portefeuille de valeurs mobilières afin de ne pas s'exposer au reproche de bénéficier d'avantages tirés d'informations privilégiées». Dans le cas contraire, le texte précise que le professionnel devra établir «une déclaration annuelle de son portefeuille de titres, conserver une trace des mouvements opérés durant l'année et les tenir à la disposition de l'entreprise.»
De son côté, Le Monde interdit purement et simplement aux journalistes de son groupe d'acheter des «actions d'une société dont ils suivent les activités pour leur journal». «Ce n'est de toute façon pas dans la culture de nos journalistes de boursicoter. Ceux qui ont une information importante pensent d'abord à la sortir dans le journal», assure Adrien de Tricornot, président de la Société des rédacteurs du Monde.
Des poursuites jugées liberticides
Les cas connus de délits d'initié ou de conflits d'intérêt impliquant des journalistes sont très rares. En 1999, le directeur de la rédaction du Figaro, Jean de Belot, était mis en examen pour recel de délit d'initié,soupçonné d'avoir tiré profit d'informations dont disposait une des journalistes du titre, Nazanine Ravaï, sur la fusion prochaine Carrefour-Promodès. Cinq ans plus tard, le juge Philippe Courroye prononçait un non-lieu général. «Les cas sont rares parce que, dans les faits, le parquet n'engage plus de poursuites à l'égard des journalistes car ce serait considéré comme liberticide. Les éventuelles poursuites ne viennent plus que de personnes qui s'estimeraient victimes du préjudice», souligne Jean-Marie Charon.
Le mois dernier, un article publié dans La Lettre A révélait que Robert Monteux, PDG du groupe Revenu Multimédia, qui édite notamment les magazines financiers Le Revenu placements et Revenu hebdo, était également le gérant d'une société de courtage, BYC Consultants. Le même Robert Monteux est aussi secrétaire général de Fideo, une association d’autorégulation des médias produisant ou diffusant des conseils boursiers, dont le code de bonne conduite oblige les journalistes financiers à «porter à la connaissance du public les intérêts significatifs susceptibles d'engendrer un conflit d'intérêt». Interrogé par Rue 89, Robert Monteux se dit «d'une rigueur extrême vis-à-vis de tout cela».