L'année des médias 2011
Groland s’apprête à fêter ses vingt ans sur Canal + en 2012. Au-delà de l'émission, le concept de ce pays fictif fédère une communauté de Grolandais jusque sur leur grophone.

Costume noir, cravate grise et... bottes en caoutchouc marron, Jules-Édouard Moustic salue le public avant le début de l'enregistrement. «Ce sont mes bottes Fillon, celles qu'on met pour aller voir les pauvres en province.» L'assistance, tout sourire, est conquise d'avance. Comme chaque jeudi, Christian Borde, alias Moustic, présente les actualités de la «présipauté» de Groland dans un studio de la Plaine-Saint-Denis.

 

Les samedis à 20h20, Groland réunit environ 900 000 téléspectateurs devant Canal+, une audience «relativement stable depuis le début», en 1992, selon la chaîne. Entre septembre et novembre, l'émission en clair a progressé de 11% par rapport à l'an dernier constate Canal+, qui n'a jamais décroché Groland de sa grille de programme.

 

Bientôt vingt ans que ce «crétin et fier de l'être» lance chaque semaine d'un sourire jovial des sketchs souvent «trashs», parodies de politiques et autres bonimenteurs qui «se moquent constamment de nous».

 

Comment a-t-elle survécu à deux décennies de télé? «Notre idée de départ fonctionne sur une longue période, estime Benoît Delépine (alias Michael Keal). Nous avons créé un pays imaginaire, qui permet de parler de tout ce qui se passe chez nous, sous couvert de Groland, en étant à la fois critique et poétique.»

 

Il n'omet pas de remercier sa chaîne «sans qui nous n'aurions pas autant de liberté» et «pas les moyens de réaliser des sujets-fictions chaque semaine». Bernard Zekri, producteur artistique de l'émission depuis trois ans, salue une «capacité à s'énerver chaque semaine et à raconter une réalité pas formatée pour la télé». «C'est aussi beaucoup de boulot et ils se remettent constamment en question».

 

Le JT grolandais a changé avec la télévision. «Au départ, on s'inspirait beaucoup de France 3, on se moquait du fait-diversier qui arrivait en retard sur les lieux du crime où il n'y avait plus rien à filmer», raconte Moustic, fier que les journalistes qualifient aujourd'hui leurs ratés de «sujet Groland» dans les rédactions. «Notre écriture et la réalisation des sketchs ont beaucoup évolué», intégrant par exemple aujourd'hui les recettes de télé-réalité.

 

En 2010, l'émission met un pied dans l'air numérique du temps en se rebaptisant Groland.con et en posant un Minitel sur le bureau du présentateur. En novembre 2011, l'émission se décline sur mobile avec ses applications Grophone, Gropad et Groïd.

 

On peut y revoir l'émission sur Grotune, s'orienter dans la présipauté sur la Groglemap ou encore recevoir des Gronews, des vannes inédites des auteurs. Ces applications gratuites conçues par Supergazol ont enregistré 230 000 téléchargements en trois semaines.

 

Avant l'avènement des «community managers», les auteurs se sont étonnés de voir se fédérer une communauté de Grolandais qui collent les initiales «GRD» sur leur voiture, se klaxonnent entre eux, montent des sites Internet et organisent des fêtes. Une brigade de résistants farceurs attachés à l'esprit critique et décalé, l'esprit Canal des origines, comme le certifie le vieux logo années 90 de la chaîne qui apparaît en fin de générique.

 

Quand on qualifie l'émission de «dernier des Mohicans de l'esprit Canal», Benoît Delépine réfute. «L'esprit Canal est toujours présent, au Grand Journal, au cinéma... Et de toute façon, Groland a toujours été un peu à part, dans un coin, même à l'époque.» Christian Borde est plus nostalgique.

 

«L'esprit Canal, c'était de prendre des gens pas formaté, même s'ils n'avaient pas des gueules de télé.» L'esprit Groland, qu'il qualifie de «diversité d'actes gratuits, de films sauvages, d'esprit punk», sera en tout cas à l'honneur en 2012, avec une série d'événements organisés à travers la France pour le 20e anniversaire de l'émission.

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