numérique
La plateforme de microblogging, outil de publication en ligne pour les novices, est un média encore underground malgré ses audiences massives.

Une petite bombe. Le 8 novembre, Jacques-Philippe Marson, ancien directeur général de l'activité de titres de la BNP Paribas, ouvre un blog, intitulé « Histoire d'un licenciement abusif », où il dénonce les conditions troubles de son licenciement pour faute grave deux ans auparavant. Pour passer à l'acte, il a attendu que les plaintes déposées contre lui soient classées, explique-t-il. Une affaire trouble où il fut reproché à l'ancien dirigeant d'avoir profité de sa position pour obtenir des commissions occultes d'un homme d'affaire malien.

La démarche en elle-même est surprenante, à mille lieues du milieu très feutré de la banque, adepte de la logique hiérarchique. Il est d'ailleurs le premier dirigeant de son niveau à oser cela. C'est parce que les médias n'avaient pas relayé son histoire, pas assez attrayante pour eux selon ses dires, et pour « dire la vérité à [ses] collaborateurs », qu'il a décidé de «balancer» en ligne sur Tumblr.

Mais pourquoi ce site plutôt qu'une plateforme de blogs classique ? «Je cherchais un outil de publication simple, ma fille me l'a recommandé», confesse-t-il à Stratégies. «Pour qui ne connaît rien aux réseaux sociaux, Tumblr a l'avantage d'être un outil simple, et qui crée une viralité très puissante», explique Sabine Blanc, journaliste pour le site d'informations Owni, qui a révélé l'affaire. Effet garanti: il a recueilli quelques articles de presse, et surtout de nombreux commentaires. Depuis, silence radio de la direction du groupe.

«C'est peut-être un moyen pour lui de mettre la pression sur ses ex-employeurs. Les médias sociaux sont tellement entrés dans les mœurs qu'ils vont devenir un outil de pression pour les salariés», estime Olivier Cimelière, ex-directeur de la communication de Google et auteur de Journalistes, nous avons besoin de vous ! (Edicoll éditions).

Sans le vouloir, Jacques-Philippe Marson a été l'un des premiers à détourner Tumblr (de l'anglais Tumble, pour «dégringoler» ou «faire tourner») en média «sérieux». Car la plateforme de micro-blogging, depuis sa création par David Karp fin 2007, était plutôt l'apanage des ados, geeks et autres adeptes de la déconnade sur le Web.

Cet outil de publication en ligne permet de diffuser et partager tous types de contenus (images, vidéos, textes) de manière bien plus simple qu'un outil de publication de blogs classique. Pratique pour publier un contenu très rapidement, y compris depuis un smartphone…

La France, elle, s'est mise à Tumblr tout récemment. Car la start-up, forte d'une levée de fonds de 30 millions de dollars fin 2010, s'est lancée en VF en février 2011. Prisé entre autres par des jeunes journalistes, entre autres fans de gifs animés et de «lolcats» (ces chats animés), le site permet aussi de publier des détournements de photos de personnalités, du ministre Eric Besson au journaliste Bernard de la Villardière.

Les derniers chiffres donnent le tournis : plus de 33 millions de Tumblr créés depuis 2007, 38 000 posts par minute, une croissance de 218% entre juin 2010 et juin 2011 (contre 31% pour Twitter et... 14% pour Facebook), d'après le site spécialisé Mashable, infographie à l'appui. Qui relève Gif, Lol, fashion, art, ou vintage parmi les tags (mots-clés) les plus utilisés.

Outil pour geeks, Tumblr se mue désormais en allié des causes sérieuses: les militants d'Occupy Wall Street s'en sont emparés pour partager affiches et argumentaires. Barack Obama vient d'ouvrir son propre Tumblr pour la campagne officielle 2012, y publiant des infographies sur l'état du pays ou la proclamation de Thanksgiving. Faites tourner…

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