«On s'étudie trois semaines, on s'aime trois mois, on se dispute trois ans, on se tolère trente ans et les enfants recommencent», résumait le philosophe Taine au XIXe siècle. Deux siècles plus tard, six jours sur sept, trois couples continuent chaque soir à se chercher des noises. Dans Scènes de ménages, la minifiction de M6 diffusée entre 20h05 et 20h30, les trentenaires Marion et Cédric, les quinquas Liliane et José et les seniors Huguette et Raymond multiplient les algarades… et les records d'audience. Le 2 mars dernier, la fiction réunissait ainsi 4,1 millions de téléspectateurs (pour 3,6 millions en moyenne en mars), avec une part d'audience de 25,6% auprès des fameuses ménagères de moins de cinquante ans. Et taillerait, au passage, des croupières au JT de TF1.
La matrice du programme français est espagnole et s'appelle «Escenas de matrimonio». Diffusée depuis 2007, elle réjouit les téléspectateurs de Telecinco. Ce qui n'a pas échappé à Nicolas de Tavernost, patron de M6. Mais par-delà les Pyrénées, on a le sang plus chaud et le verbe plus haut. «Un gros travail d'adaptation a été nécessaire, raconte Yann Goazempis, directeur du pôle humour de M6. Nous avons injecté un peu de tendresse. Dans la série espagnole, les rapports de couple sont extrêmement directs et violents. À tel point qu'on se demande presque pourquoi ces gens restent ensemble…»
Valeur sûre télévisuelle
«Ligue 1» et «Ligue 2»: c'est ainsi que l'on surnomme les deux pools d'auteurs (45 au générique) qui œuvrent sur la série. Ils sont composés «d'auteurs confirmés, et d'autres moins», explique Christian Baumard, cofondateur, avec Alain Kappauf (Caméra café, Kaamelott) de la société de production Kabo. Les auteurs ont imaginé tout ce que l'on ne voit pas à l'écran, la «bible» de chaque personnage – ses aspirations, son passé, ses secrets. «Par exemple, Liliane est obnubilée par le désir de retrouver le contact physique avec José. Quant à Cédric, il est en train de réussir sa vie professionnelle, tandis que Marion, elle, ne travaille pas», révèle le producteur. Laquelle Marion est incarnée par une actrice en pleine ascension: Audrey Lamy, repérée dans Tout ce qui brille… et sœur d'Alexandra Lamy, qui se fit connaître il y a dix ans dans Un gars, une fille, un programme très proche de Scènes de ménages. «À cause de cela, au casting, le choix d'Audrey Lamy nous semblait à première vue problématique, avoue Christian Baumard. Mais aux essais, elle était évidente pour le rôle.»
La série doit-elle son succès à la présence de la comédienne, qui a fait salle comble avec son one-woman-show Dernières avant Vegas? Pas seulement, selon François Jost, directeur du Centre d'étude sur les images et les sons médiatiques (Ceisme): «La scène de ménage est un stéréotype qui rencontre un succès télévisuel constant depuis vingt ans, que ce soit dans des émissions comme L'Amour en danger dans les années 1990, Y a que la vérité qui compte, inspirée du Jerry Springer Show, ou encore dans les émissions de télé-réalité, où l'on unit des couples pour mieux les désunir ensuite.»
La dispute sur petit écran, catharsis du téléspectateur qui a mal au couple? M6 compte en tout cas introduire un nouveau ménage dans la série. «Nous voulons renouveler les potentialités de situations sans attendre que les auteurs soient en panne d'inspiration, explique Yann Goazempis. De plus, il s'agit d'alléger les plannings des comédiens, afin que la série ne devienne pas une prison dorée, et qu'ils gardent le plaisir d'y jouer.» Et ainsi, éviter les cas de divorce...
