«AOL est une marque mourante sur Internet, Huffington Post, à l'inverse, est une étoile montante.» C'est ainsi que Casey McCalla, blogueur occasionnel sur le Huffington Post et éditeur de News One, un spécialiste des informations noires sur la Toile, justifie le rachat du site d'Arianna Huffington par le portail AOL.
Les signes révélateurs de la montée en puissance de la grande prêtresse du Net, selon lui, ne manquent pas. La nouvelle de la vente, pour 315 millions de dollars, a été très sérieusement relayée. «On lui accorde l'attention et le respect dû habituellement a la presse classique», explique Casey McCalla. Certains de ses posts sont aussi importants que les éditos de la vieille garde du New York Times, insiste-t-il. Et le nombre croissant de ses fidèles fait rêver. Ils étaient 25 millions de visiteurs en décembre, selon la société d'études Comscore. Avec les troupes d'AOL, cela fera plus de 100 millions d'internautes…
Pas mal pour une start-up impertinente qui a vu le jour en mai 2005, fruit des cogitations d'Arianna Huffington et de Kenneth Lerer. Six ans après son lancement, avec 1 million de dollars en poche, la direction du site, qu'on appelle familièrement «Huffpost», assure avoir gagné de l'argent en 2010, promet pour cette année un chiffre d'affaires de 60 millions de dollars et plein de nouveaux développements aux côtés d'AOL pour ses 200 salariés et 6 000 amis blogueurs.
Huffpost est encore jeune. Mais tout comme sa fondatrice, le site a déjà connu plusieurs vies. Agrégateur de blogs de célébrités démocrates à sa naissance, journal de l'Internet aux multiples rubriques ces jours-ci. La belle Arianna, soixante ans, à l'accent grec roulant toujours aussi prononcé, a été une jeune étudiante de Cambridge, en Angleterre. Puis elle a écrit des essais politiques et féministes, des biographies de la Callas et de Picasso. Elle a aussi traversé l'Atlantique, épousé un milliardaire du pétrole, républicain, pour finalement divorcer et se réinventer en candidate progressiste, prétendante au poste de gouverneur de Californie en 2003.
Cette fois-là, Arianna a fait un flop, avec moins de 1% des votes. Mais elle a remarqué qu'elle avait réussi à lever, cinq ans avant l'élection de Barack Obama, 1 million de dollars sur la Toile pour financer sa campagne. Elle comprend alors le potentiel d'Internet. Elle embrasse le média deux ans plus tard en demandant à ses amis d'éclairer sa lanterne sur les sujets de leur choix pour le Huffington Post. L'actrice Diane Keaton s'y colle, l'auteur-scénariste Nora Ephron aussi. Walter Cronkite, l'ancien présentateur de JT fera partie des signatures, tout comme l'acteur John Cusak ou l'écrivain Norman Mailer.
«Un cercle vertueux»
Certes, les célébrités s'usent vite. Mais Le Huffington Post assure le quotidien en recrutant des journalistes confirmés du New York Times, de Newsweek et d'ailleurs, animateurs de nouvelles rubriques. «Elle sait attirer des gens qui prennent position et sèment la controverse, dit l'analyste technologique Rob Enderle. Du coup, ces écrits circulent et donnent à la publication beaucoup d'influence.» Huffpost «sort de la monotonie des sites sur la Toile» approuve Howard Finberg, du Poynter Institute. Ces posts sont repris sur Facebook, Twitter, CNN, Forbes, le Los Angeles Times…«C'est un cercle vertueux, de plus en plus de monde partage ses contenus», observe Howard Finberg. Voilà pourquoi AOL a attrapé le fil d'Arianna. Le portail «a besoin de quelqu'un sachant générer du trafic, conclut Rob Enderle. Arianna Huffington le fait naturellement. Yahoo aurait dû l'embaucher.»