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Piers Morgan est le successeur de Larry King sur CNN. L'homme, qui a fait ses armes dans les tabloïds, puis dans les émissions de télé-réalité, s'est fait connaître pour son irrévérence.

L'un était fameux pour ses inamovibles bretelles et ses talents d'accoucheur d'âmes, le long d'une carrière durant laquelle quelque 40 000 personnalités ont subi le feu roulant de ses questions. L'autre est surtout connu pour… son impolitesse. Après vingt-cinq ans de bons et loyaux services, Larry King, immarcescible animateur du Lary King Live de CNN, a finalement cédé son fauteuil au Britannique Piers Morgan. Autre temps, autres mœurs: alors que King avait fait ses armes, de manière relativement classique, dans la presse locale et à la radio, Morgan, lui, présente un curriculum vitae pour le moins rocambolesque. «Chez CNN, ils savent bien qu'ils n'ont pas embauché Mère Teresa», lâchait-il dans une interview au Guardian, le 17 janvier.

Certes, on pourrait considérer que Morgan a débuté dans une institution british. Sauf que l'institution en question est surtout connue pour sa «page 3» et ses donzelles dénudées, puisqu'il s'agit du tabloïd The Sun: Morgan y est pigiste, alors qu'il a à peine vingt ans, au sein d'une rubrique nommée Bizarre. Fleet Street, giron de la presse à scandale britannique, sera le théâtre de l'irrésistible ascension de Piers Morgan, qui prend à vingt-huit ans la rédaction en chef de News of the World, puis la tête du Daily Mirror à trente. Morgan se fait connaître pour son approche non orthodoxe du journalisme, qui lui coûtera d'ailleurs son job: en 2004, il publie dans le Mirror des photos de prisonniers irakiens molestés par des soldats britanniques. Un gros coup, sauf qu'il s'agit d'un reportage bidonné…

Adieu Fleet Street; le monde des télé-crochets tend les bras à Morgan, qui ne garde jamais la langue dans sa poche. Son mentor a pour nom Simon Cowell: ce producteur musical est devenu célèbre en tourmentant avec une intense cruauté les candidats des émissions The X Factor (équivalent d'À la recherche de la nouvelle star sur M6) ou Britain's got talent (La France a un incroyable talent toujours sur M6). Cowell, qui voit en Morgan un double, le choisit comme remplaçant et le propulse juré de Britain's got talent et de son homologue américain, USA's got talent. Le visage typiquement britannique de Morgan, rond, le teint rose, orne désormais les couvertures des magazines people, de Heat Magazine à OK.

Le public américain réservé

Le voici aujourd'hui sur CNN. C'est un peu, en somme, comme si l'on confiait à Alain Manoukian, de la Nouvelle Star, le plus grand talk-show de LCI, I-Télé ou BFM TV… Chez CNN, on assume. «Piers s'est fait un nom en posant des questions irrévérencieuses à des personnalités, en n'hésitant pas à appuyer là où ça fait mal et en les mettant face à leurs contradictions», explique à Stratégies Deborah Rayner, rédactrice en chef de CNN International. «Il est capable de traiter de l'information sous tous les angles et n'engendre pas la mélancolie.» Deborah Rayner insiste: Morgan n'est pas seulement un joyeux drille. «Si vous avez regardé les premières émissions de Piers Morgan Tonight, avec Oprah Winfrey, l'humoriste Ricky Gervais ou encore Condoleeza Rice, vous aurez noté le haut niveau de préparation des entretiens.»

Le public américain semble plus réservé. La première de Piers Morgan Tonight, le 17 janvier, avec Oprah Winfrey, a attiré 2,1 millions de téléspectateurs, soit un million de moins que Skins, la série pour adolescents de MTV diffusée le même soir. Le lendemain, l'entrevue de Morgan avec Condoleezza Rice n'a été suivie que par 1,3 million de téléspectateurs. Certains critiques américains lui ont même reproché de se montrer trop obséquieux. Perfide!

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