Une couverture rose bonbon et du sexe à toutes les pages. C'est la potion magique de Cosmopolitan, le joyau du groupe américain Hearst, qui vient d'entrer en négociations exclusives avec Lagardère pour lui racheter ses magazines étrangers, à commencer par les 42 éditions internationales de Elle.Cosmo, décliné sur 61 éditions dans le monde en 32 langues différentes, fait encore plus fort: il est présent dans une centaine de pays. Rien qu'aux États Unis, le mensuel est vendu à 3 046 229 exemplaires, selon l'Audit Bureau of Circulation. Et il ne cesse de progresser: les ventes ont crû de 4,77% en 2010. Une rareté par les temps qui courent.
«La force de Cosmopolitan, assure Samir Husni, directeur du Magazine Innovation Center de l'université du Mississippi, c'est qu'il se répète encore et encore. Vous mettez deux numéros à un mois d'intervalle l'un à côté de l'autre, ils sont presque identiques.» Les nouvelles lectrices comprennent immédiatement à quoi elles ont affaire, et les habituées ne s'en lassent pas. À longueur d'année, Cosmo explique ainsi aux jeunes femmes «les 25 manières de s'amuser avec lui, les 8 choses à dire à son gynécologue, les 5 trucs coquins à faire avec de la crème fouettée, etc.» Faut-il le préciser? Cosmo ne s'étend pas sur les recettes de cuisine…
Dans la tête des mâles
Cet a priori sexy très féminin mélangé à quelques pages beauté et mode, vanté par les actuels patrons de Hearst, n'a pourtant pas toujours été la marque de fabrique du magazine. Dans son livre The Improbable First Century of Cosmopolitan Magazine, le professeur James Landers de la Colorado State University se plaît à rappeler les différents avatars de Cosmo. À sa création, en 1886, il fut un gentil journal pour la famille, puis un magazine littéraire animé par Rudyard Kipling, Jack London, Edith Wharton, etc. Et sous la houlette de Randolph Hearst qui l'achète en 1905, Cosmo devient un magazine d'investigation. Il faudra attendre l'arrivée en 1965 de la scandaleuse Helen Gurley Brown pour voir naître sa version actuelle.
Helen Gurley Brown est celle qui a inspiré Carrie Bradshaw, l'héroïne de Sex and the City. Dans les années 1960, la belle Helen fuit la pauvreté de sa famille de l'Arkansas et s'installe en Californie, où elle enchaîne travaux de secrétariat et nuits torrides avec ses flirts. Auteur du livre a succès Sex and the Single Girl, elle va prêcher la bonne parole dans Cosmopolitan. «Je voulais dire la vérité, expliquera-t-elle plus tard. Le sexe est l'une des trois meilleures choses au monde et je ne sais même pas ce que sont les deux autres.»
Helen Gurley Brown est poussée vers la retraite en 1997, mais sa remplaçante à la tête du journal, Kate White, une jolie blonde auteur de romans noirs, applique scrupuleusement la même formule: le sexe sans complexes et les incursions dans la tête du mâle.
Curieusement, l'Amérique puritaine adore Cosmo:70% des ventes sont réalisées chez les marchands de journaux et dans les supermarchés. Même si, de temps à autre, les clients bien-pensants s'offusquent de trouver le plus sexy des «bad boys» en une du magazine chez Wal Mart.
Les autres pays du monde apprécient eux aussi. Quelques contrées musulmanes comme la Malaisie, l'Indonésie ou la Turquie ont déjà leur propre Cosmo. «Il suffit d'enlever les photos les plus osées, et les journalistes peuvent écrire ce qu'elles veulent», assure le professeur Husni. Vive donc les éditions internationales, sous licence et en partenariat local. Samir Husni espère encore mieux, si Elle rejoint cette année l'écurie Hearst. «Les deux magazines seront complémentaires, estime-t-il. Elle apprend à sa lectrice comment s'habiller, Cosmopolitan la déshabille.»