Dr House, Desperate Housewives, Mad Men, Les Experts:les séries «made in USA» collectionnent les grosses audiences. La production française serait-elle moins bonne? À Aix-les-Bains (Savoie), lors des 5es Rendez-vous des séries TV, qui se sont tenus du 15 au 17 octobre, toute une filière de création s'est élevée contre cet a priori. «Nous ne manquons pas de talents, répond Jean-André Yerlès, président du Club des auteurs et coprésident de la future Guilde française des scénaristes. Le problème, c'est qu'auteurs, producteurs, réalisateurs et comédiens ne se parlent pas suffisamment et nous avons tendance à fonctionner par étapes.»
Limiter les risques
Le compartimentage de la création est une critique régulière au sein de cette filière audiovisuelle où le diffuseur fait figure de grand méchant loup. «Les chaînes ont toujours le dernier mot, reconnaît un scénariste qui requiert l'anonymat. Mais, nous, auteurs, ne demandons qu'à nous impliquer davantage dans le processus. Les scénarios peuvent évoluer ou s'adapter aux différentes contraintes. Généralement, je ne vois le résultat que lors de la diffusion.»
À Aix-les-Bains, de nombreux auteurs déplorent ce constat. Mais personne ne souhaite l'exprimer ouvertement, de peur d'être mis à l'écart par une chaîne. C'est le cas de ce réalisateur dont les idées, jugées trop segmentantes par TF1, lui ont valu de ne pas signer la nouvelle saison d'une série familiale. «Les chaînes craignent le risque, or la segmentation n'est pas un vilain mot et peut apporter de la qualité et de la différenciation pour les fictions», confie-t-il.
«Oui, les diffuseurs n'ont pas tous les mêmes logiques de public et les grandes chaînes généralistes ne peuvent pas aller vers des programmes trop ”heurtants“, relève le comédien Bruno Madinier. J'ai la chance de travailler sur des projets où je peux intervenir sur les scénarios. Ce devrait être systématique, car, dans ce cas, on peut lever beaucoup de lièvres ensemble, et au final tout le monde est gagnant.»
Toute la filière reconnaît ainsi qu'un travail commun ne peut qu'être positif. Toutefois, cela aurait une incidence évidente sur le coût final de l'œuvre. Or, pour les diffuseurs et les producteurs, l'heure est plutôt aux économies (lire l'encadré). «Et puis, certains n'ont peut-être pas envie que cela bouge afin que les auteurs ne prennent pas trop d'importance», estime Jean-André Yerlès.
Les diffuseurs pas prêts à laisser la main
Dans un autre registre, alors que les séries américaines sont rythmées par les coupures publicitaires, en France, cette contrainte n'est pas intégrée dans l'écriture ou la réalisation. «Nous n'avons aucune maîtrise sur la coupure, avoue Dominique Lancelot, scénariste et présidente de la société de production Auteurs associés. Pour Section de recherches, par exemple, si on a une vague idée, on ne peut être sûr de rien sur le moment où sera programmé l'écran publicitaire.» Difficile du coup de placer efficacement les rebondissements dans l'histoire afin de capter et conserver le public devant l'écran.
Sur ce point, les chaînes privées, absentes à Aix-les-Bains, ne s'expriment pas. M6 n'a pas souhaité répondre aux questions de Stratégies, et on précise chez TF1 que «les coupures des fictions et séries se réalisent en respectant le film et son intrigue, mais aussi en fonction des contraintes de durée des écrans publicitaires». Paradoxalement, le dialogue, si important dans une fiction, semble avoir du mal à s'installer efficacement entre créateurs et diffuseurs.