Elle vient de Milan, et se réjouit de pouvoir poser ses valises quelques jours à Paris avant de s'envoler pour Hambourg. Janet Robinson, CEO du groupe New York Times, effectue en ce mois d'octobre une véritable tournée à l'américaine, afin de présenter la stratégie du grand quotidien américain, et notamment son projet de passage à un modèle payant sur Internet prévu pour janvier ou février 2011. La patronne enchaîne les interviews avec la presse française, en un discours calibré au mot près, à l'instar des stars d'Hollywood en «press junket».
Normal pour le «blockbuster» de la presse mondiale: le New York Times, diffusé à près d'un million d'exemplaires par jour, est également le premier site de presse de la Toile avec 43,7 millions de visiteurs uniques par mois. Mais la seule audience ne suffit plus: le groupe a engagé une réflexion afin de basculer son modèle totalement gratuit vers un modèle mixte, dit «freemium», début 2011: «L'internaute aura accès à la une et à un certain nombre d'articles gratuits, explique Janet Robinson. Au-delà d'un certain seuil de consultations, il devra s'abonner pour une périodicité annuelle ou mensuelle.»
Les supports mobiles aussi
Un modèle qui doit permettre au New York Times de préserver son audience ainsi que ses recettes publicitaires. Quelque 16% des revenus publicitaires du groupe viennent du «digital» (le numérique totalisant 26% des revenus totaux). «Grâce à ce modèle, les internautes qui viendront consulter un article du New York Times depuis Google, Facebook, Twitter ou un blog auront accès à l'article en question sur NYTimes.com sans devoir s'abonner», détaille Janet Robinson. Avec plus de 800 000 fans sur Facebook et un lien vers une information du New York Times posté toutes les 4 secondes sur Twitter, le quotidien américain draine une belle part de son audience via ces canaux.
Le délicat virage du payant est en réflexion depuis deux ans. Le prix des abonnements sera probablement annoncé début décembre. Dans la foulée du Web, les supports mobiles, pour l'heure gratuits avec 600 000 téléchargements sur Ipad et 5 millions sur Iphone, basculeront à leur tour dans le payant.
Impossible, dans cet entretien pourtant très balisé, de ne pas évoquer l'ennemi juré Rupert Murdoch, qui voue une haine tenace à la famille dirigeante du New York Times, les Sulzberger. Le patron de News Corp revendique le choix du payant pour le Wall Street Journal, et depuis juin pour le Times anglais. «Nous avons beaucoup de concurrents, lâche Janet Robinson. Mais notre contenu est plus large que celui du Wall Street Journal.»