Si le kiosque numérique n'a pas fait fureur jusqu'à aujourd'hui faute de supports de lecture adaptés, l'arrivée des tablettes numériques, notamment l'Ipad, semble sur le point de bouleverser la donne. Depuis 2006, le kiosque numérique Relay.com, créé par Lagardère Services, domine ce marché naissant avec une offre de 450 magazines accessible pour un forfait unique de 17,90 euros par mois (ou 10 téléchargements par mois pour 9,90 euros).
«Les abonnements multititres représentent 50% de nos ventes», explique Aymeric Bouguin, codirecteur général de HDS Digital, l'opérateur de Relay.com. La plate-forme a enregistré quelque 2 millions de téléchargements en 2009, avec un profil de clients aux deux tiers masculins et une part importante de francophone vivant à l'étranger (17%). Le service, encore déficitaire, espère monter en puissance auprès du grand public.
Relay.com n'est pas la seule plate-forme numérique. «Nous avons créé Madeinpresse, il y a un an, car une des raisons principale à la vente des magazines est la baisse de trafic chez les marchands de journaux», explique Serge Morrisset, responsable du kiosque Madeinpressse. En effet, la vente de tabac, qui draine de la clientèle, est en baisse depuis plusieurs années dans les points presse. Avantages du portail: il informe sur les parutions, permet de réserver le(s) magazine(s) en kiosque et de s'en offrir la version numérique. Avec 860 titres disponibles, Madeinpresse enregistre une moyenne de 3 000 visiteurs uniques par jour, avec un taux de transformation d'environ 3%. De son côté, Lekiosque.fr propose un forfait illimité de 15,90 euros par mois. Le paysage concurrentiel est complété par l'américain Zinio, encore peu connu en France, mais qui domine le marché outre-Atlantique.
Voilà pour l'état des lieux. Mais l'arrivée de l'Ipad pourrait redistribuer les cartes. «Le kiosque numérique n'est pas nouveau en soi. Ce qui est nouveau, c'est son attractivité dû à la mobilité», explique Bertrand Gié, directeur délégué des nouveaux médias pour lefigaro.fr «Nous savions que le décollage se ferait avec l'arrivée des bons terminaux de lecture, explique son côté Aymeric Bouguin. Depuis le lancement de l'application Ipad en septembre, Relay.com recrute en moyenne dix fois plus de nouveaux clients.» Les horizons prometteurs de la mobilité donnent aussi naissance à une nouvelle concurrence. D'un côté, les éditeurs tentent de construire une offre de vente directe afin de garder le contrôle de leur prix de vente, de leur marque et de leur fichier d'abonnés. De l'autre, les géants de l'Internet affûtent leurs offres.
Ainsi, Google planche sur un projet de kiosque baptisé Newspass tandis qu'Apple prépare, sur le modèle de son service de vente de livres numériques Ebook, le lancement d'une plate-forme de vente d'e-magazines distincte de l'Appstore et, comme toujours, avec le prélèvement de 30% des recettes issues des abonnements et une partie conséquente de la publicité. Les éditeurs protestent d'ailleurs contre la propension de la marque à la pomme à s'accaparer les données commerciales et les fichiers d'abonnés.
Face à ces initiatives, les éditeurs se sont organisés pour commercialiser directement leurs titres. Outre le développement d'applications propres pour vendre leurs éditions numériques, notamment sur Apple, ils ont multiplié les accords pour proposer des plates-formes communes.
«Avec ces nouvelles techniques de distribution, nous n'avons pas forcément besoin d'intermédiaires. Grâce aux applications, nous pouvons vendre directement nos journaux. Nous souhaitons privilégier la distribution sur nos propres supports et ensuite la développer en collectif de presse quotidienne nationale», confirme Bertrand Gié, du figaro.fr.
Alors que le Syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR) a lancé, le 23 septembre, son kiosque numérique sur Ipad, qui permet de télécharger trente-quatre quotidiens au prix de 0,79 euro l'exemplaire, le secteur s'organise également pour proposer, début 2011, un kiosque pour les tablettes et les smartphones: cinq quotidiens (Le Figaro, Libération, Les Echos, Le Parisien et L'Equipe) ont signé un accord de principe en vue d'un protocole d'accord de Groupement d'intérêt économique (GIE). Baptisé E-presse premium et chapeauté par Frédéric Filloux, le GIE proposera la vente d'exemplaires à l'acte ainsi que des «packages d'actualité rassemblant plusieurs éditeurs définis par thématiques: média, politique internationale, etc.», explique Frédéric Filloux. Et ensuite, seulement, des abonnements. Une initiative qui n'exclu pas pour autant la commercialisation de contenus par les éditeurs eux même.
«Si on avait attendu de rassembler les treize quotidiens du SPQN, on ne se serait jamais lancé. De son côté, Le Monde a demandé un délai car les nouveaux actionnaires veulent déterminer leur position sur le principe de leur participation à un GIE», explique Frédéric Filloux. A terme, le GIE pourrait s'élargir aux news magazines et à la presse quotidienne régionale (PQR). A quand une plate-forme unique de la presse française pour que les contenus gardent la maîtrise de leur distribution en ligne?
Encadré
L'OJD planche sur la diffusion numérique
Depuis le 1er janvier 2009, l'OJD intègre la vente des exemplaires numériques dans les déclarations sur l'honneur (DSH) et les procès-verbaux (PV) de diffusion des journaux. Un premier pas pour l'organisme de contrôle de la diffusion de la presse, qui travaille sur une mesure d'audience améliorée. Un groupe de travail a été mis en place. En 2009, la vente d'exemplaires numérique a représenté 204 204 exemplaires (en cumul) pour L'Equipe, tandis que l'International Herald Tribune a affiché des ventes de 202 292 exemplaires et que La Croix en comptabilise 121 405 ex. Parmi les quotidiens régionaux, La Montagne (194 223 exemplaires) et Le Républicaine lorrain (117 715) tiennent le haut du pavé. L'hebdomadaire La Gazette Drouot se distingue également, avec 100 583 exemplaires vendus.