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Trente ans après sa création, Alternatives économiques est devenu le deuxième mensuel de son secteur derrière Capital. Il célèbre cet anniversaire avec une nouvelle formule.

Qui se souvient encore de Tina? Ainsi était surnommée Margaret Thatcher, au début des années 1980, pour sa célèbre phrase «There Is No Alternative» (Tina) qui inaugurait une nouvelle ère de conversion au néolibéralisme. En octobre 1980, c'est aussi à cette époque que paraît le premier numéro d'Alternatives économiques. Denis Clerc, son fondateur, y revient ce mois-ci dans une nouvelle formule qui coïncide avec les trente ans du mensuel: «C'est justement contre ce qui allait être qualifié un peu plus tard de "pensée unique" qu'il me semblait nécessaire de s'élever. Pas par esprit de résistance au libéralisme économique. La prétention de tout régler par le marché et sa "main invisible" me paraissait certes à la fois dangereuse et erronée, mais le marché lui-même me semblait un instrument utile et efficace dans bon nombre de cas», écrit-il dans un article baptisé «L'avenir d'une intuition».

On l'a compris, c'est avec la conviction que «dans le domaine économique, il existe plusieurs solutions envisageables» qu'Alternatives économiques (avec un s) a été créé. Loin de l'austère revue en noir et blanc du premier numéro, le mensuel est aujourd'hui un magazine de 130 pages incontournable pour qui veut comprendre en profondeur les grandes tendances macroéconomiques.

Arrivé en janvier du Seuil, Thierry Pech, qui remplace Philippe Frémeaux à la tête de la rédaction, s'inscrit dans l'héritage des fondateurs. Certes, il s'agit de tenir compte d'un lectorat qui s'est considérablement élargi en kiosques au-delà des abonnements étudiants et scolaires (45% de la diffusion, contre 70% voilà une dizaine d'années).

Peu d'annonceurs, et alors ?

Mais il ne saurait être question de remettre en cause la fructueuse alchimie d'un journal qui se défend d'être «essentiellement critique» (en témoigne son soutien au partage du temps de travail ou au Grenelle de l'environnement): «Le titre a su combiner de manière équilibrée et modérée une grande modestie devant les faits, une analyse sérieuse et une capacité critique», assure Thierry Pech.

S'il développe de nouvelles rubriques, Décryptage, Indicateurs ou Technologies, le magazine reste donc fidèle à ses origines: pas de contes merveilleux, démystification des lieux communs, participation au débat public, etc. «Notre valeur ajoutée, c'est d'être un instrument de compréhension du monde économique et social, un journal qui veut qu'on ait le choix», souligne Thierry Pech.

Pourtant, Denis Clerc ne manque pas de pointer une «ambiguïté persistante»: si le titre a mis l'environnement au cœur de ses problématiques, «la liste critiquant telle ou telle mesure au motif qu'elle ne favoriserait pas la croissance et l'emploi est infiniment plus longue.» Schizophrénie entre une volonté de maîtriser le gaspillage d'énergie et le souci de lutter contre le chômage? Le fondateur appelle en tout cas les 40 salariés associés de sa coopérative à «cesser d'être chauves-souris, mammifères à certains moments, mais animaux volants quand cela nous arrange ».

De là épouser les thèses de la décroissance, il y a un gouffre. Avec un sens rare de la rhétorique, le nouveau patron de la rédaction invite ses journalistes à «être contemporains des questions de solidarité dans un monde ouvert»: «Denis Clerc ne nous demande pas de trancher mais de nous poser la question et pas seulement de la gérer», dit-il.

Diffusé à 111 113 exemplaires payés, deuxième mensuel économique derrière Capital, Alternatives économiques voit venir à lui de jeunes cadres convaincus que la séquence libérale arrive en phase d'épuisement. Quant à la publicité, elle se limite à la portion congrue, soit 10% du chiffre d'affaires: «Je n'en veux pas aux annonceurs de ne pas penser à nous. D'ailleurs, je ne pense pas non plus à eux», avoue Thierry Pech.

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