Le 13 mai, la sérieuse Europe 1 va casser son antenne pour la consacrer à un événement musical bien particulier: un concert de Benjamin Biolay à Madrid. C'est la première fois depuis vingt ans que la station fait ce choix de programmation. Si elle frappe aussi fort, c'est que l'opération a valeur de symbole. Depuis deux ans, la radio s'est fixé comme objectif de reprendre pied dans la musique. Un territoire qu'elle avait presque totalement délaissé, au profit de l'information, depuis au moins une dizaine d'années.
«Europe 1, ce n'est pas France Info!, lance son PDG Alexandre Bompard. C'est une station généraliste sur laquelle la musique et le divertissement ont toute leur place.» Une place que la musique retrouve petit à petit. Cela se mesure d'abord dans la programmation: 6,1% du temps d'antenne d'Europe 1 a été consacré à la musique au premier semestre 2010, contre 3,2% sur la même période en 2008 selon Yacast. Un chiffre qui a donc doublé en deux ans mais qui place la station encore loin derrière ses deux concurrentes France Inter ou RTL, qui consacrent respectivement 22,4% et 17,7% de leur temps d'antenne à la musique.
Pour exister dans le milieu musical, Europe 1 a surtout dû retisser des relations avec les maisons de disques. Et l'opération de séduction a, semble-t-il, plutôt bien fonctionné: 4,8 millions d'euros brut des ressources publicitaires de la station provenaient en 2009 des maisons de disques, selon Yacast, soit un bond de 74% par rapport à 2008. «Cette progression fait d'Europe 1 la cinquième radio sur laquelle les maisons de disques investissent, et ce devant Virgin Radio», souligne Ali Mouhoub, directeur général adjoint de Yacast.
En 2009, de nouvelles têtes comme Aline Afanoukoé, arrivée de Radio Nova pour relancer le Top 50, ou Nagui ont soutenu l'image de la station sur ce créneau. «Nagui est une caution musicale importante grâce à l'émission Taratata, dont nous sommes maintenant partenaires», explique Philippe Balland, directeur des programmes. L'animateur Thierry Lecamp, dont l'émission On connaît la musique, existe depuis 2003, a aussi retrouvé une meilleure exposition dans la grille du week-end.
«À la fois populaire et chic»
Au-delà de l'antenne, la radio a tissé des partenariats avec des artistes, un peu à la manière du marketing sportif, un secteur stratégique aux yeux d'Arnaud Lagardère, propriétaire d'Europe 1. Charlotte Gainsbourg, Vanessa Paradis ou Benjamin Biolay sont devenus des «artistes Europe 1». Une sélection faite pour coller au «double public» de la station, «à la fois populaire et chic», selon Alexandre Bompard. Avec certains artistes, Europe 1 est même entrée dans une logique de coproduction. Ce fut le cas pour le jeune groupe Revolver, mais aussi sur l'album Une vie Saint Laurent, d'Alain Chamfort.
«Ce sont des partenariats liés au rendement. Au-delà d'un certain nombre de ventes, Europe 1 touche un pourcentage», explique Marc Gonnet, directeur marketing communication. «Ce ne sont clairement pas des revenus à forte diversification», souligne Philippe Balland. Mais tenir sa place dans une industrie du disque en difficulté est désormais à ce prix.
Les concerts privés Europe 1 ont enfin été relancés, ce qui n'avait plus cours à la station depuis des lustres. Parmi eux, l'artiste Charlie Winston, sur lequel la station a très vite misé. Il est à présent Disque de diamant (500 000 exemplaires vendus) avec son album Hobo. «Europe 1 a incontestablement été l'un des acteurs de son succès», souligne Cécile Legros, responsable promotion du label Atmosphériques.
Ces ambitions d'Europe 1 dans la musique survivront-elles au jeu de chaises musicales qui se profile, Alexandre Bompard étant annoncé à la tête de France Télévisions? «Nous espérons que l'avancée d'Europe 1 dans la musique ne sera pas remise en cause, quels que soient les changements», note Cécile Legros. À bon entendeur…
