«Depuis qu'Aurore attend leur enfant, Jean-Luc se montre encore plus attentionné que d'habitude. Rien ne semble devoir ternir le bonheur du jeune couple, et pourtant…». Insoutenable suspense. Tout pour notre enfant est l'un des romans-photos publiés dans Nous Deux, sous-titré «L'hebdomadaire qui porte bonheur». Il est vrai que le titre semble porter chance à Mondadori. «Avec la crise, Nous Deux est devenu vintage: c'est le deuxième titre le plus rentable du groupe après Télé star, se félicitait Ernesto Mauri, le patron du groupe, lors de la présentation des résultats de Grazia le 19 janvier. Cela tombe bien, j'ai toujours été un admirateur de Cino del Duca!»
Son arrivée à la tête du groupe qui édite Nous Deux a des airs de retour aux sources pour le sémillant patron italien de Mondadori: le roman-photo a en effet été inventé par deux frères transalpins, les del Duca, en 1947. Héros de la Résistance, Cino (qui sera plus tard le producteur de L'Avventura, de Michelangelo Antonioni) fonde en 1947 Nous Deux, tandis que son frère lance en Italie son pendant, Grand Hotel. Depuis ses origines, le «fotoromanzo», qui provient à 70 % de l'autre côté des Alpes, n'a guère dévié de ses fondamentaux, d'ailleurs exposés dans l'un des premiers courts-métrages d'Antonioni, L'Amorosa menzogna (Mensonge amoureux): «Évidemment, il faut que les acteurs soient beaux, explique dans un sourire Dominique Faber, rédactrice en chef adjointe responsable de la fiction chez Nous Deux. Un homme et une femme qui s'aiment, ce n'est pas suffisant. Il faut à chaque fois trouver un thème particulier, traité selon les règles du genre, qui se rapprochent de la bande dessinée.»
Seul sur son créneau
Impondérable: tout doit se finir dans le bonheur, même si «Nous Deux n'est plus aussi sage qu'avant. Le médecin qui épouse l'infirmière reste certes un grand classique, mais nos lectrices sont très ouvertes: nous avons récemment publié une nouvelle qui racontait une histoire d'amour entre une femme mal mariée et sa professeur de sport…» Mazette.
Cinq nouvelles, trois romans-photos, des témoignages, voilà le filtre magique de Nous Deux. Les nouvelles sont écrites par des auteurs non-professionnels, parmi lesquels on trouve une châtelaine et un juge de paix. «C'est un monument, comme la tour Eiffel», reconnaît Marion Minuit, rédactrice en chef du titre. «C'est un journal très positif. Les lectrices ne veulent pas qu'on leur parle de la crise.»
Habitant en province, de CSP moyenne, ses lectrices ne sont pas aussi âgées qu'on pourrait le croire: 54 ans en moyenne. Et il semble bien qu'elles soient très amoureuses… de Nous Deux. Fleurs bleues jusqu'au bout, elles lui sont fidèles. «Nous avons un taux de réabonnement de 87%», souligne l'éditrice du magazine, Hélène Bourgeois-Luquin. Le titre, qui affiche une diffusion France payée de 289317 exemplaires, jouit, selon l'éditrice, «de l'exclusivité de son positionnement». Ses anciens concurrents, comme Intimité, ont en effet disparu.
«Si le titre est rentable, c'est parce que la gestion des coûts est forte, et que notre prix de vente est assez élevé: 1,95 euro. Avec une fois par mois un roman en plus produit vendu 2,95 euros», explique Hélène Bourgeois-Lucun.
L'idylle de Nous Deux avec ses lectrices pourrait d'ailleurs bien se poursuivre sur le petit écran: la société Tetra Media, dirigée par Jean-François Boyer, est en discussion avec le titre. L'idée étant de s'appuyer sur ses fictions, afin de lancer un feuilleton quotidien dans l'esprit de Plus belle la vie (diffusé sur France 3). Qui disait que le romantisme était mort?